À Carnavalet, le Paris de Marcel : une cartographie entre Proust et Swann, son double littéraire

Ses ancêtres juifs, qui assureront la bonne fortune des générations à venir, étaient arrivés dans un Paris populaire, celui du dixième, dans les faubourgs entre les portes Saint-Denis et Saint-Martin. Que Swann, son double littéraire idéalisé, qualifiera de sordide. Sans même avoir connu la prolifération des marchands de kebab 🥙 ou des cracheurs de rue. Il aimerait peut-être quand même aujourd’hui le mélange des genres de ce quartier, sans parler des rencontres d’une nuit à y chiner ? No comment.

En 1873, les Proust, suoment de la naissance de son frère Robert (qui deviendra médecin et gérera la continuité de l’oeuvre fraternelle) s’installaient au 8 Boulevard Malheserbes, à côté de la Madeleine. Une autre zone urbaine. Qui inspirera à Proust de l’aversion. « L’un des quartiers les plus laids de la ville », en dira-t’il. Un partout !

Il est vrai que ce quartier de la Madeleine est toujours un peu momifié, en tout cas guère chaleureux, un flux permanent de voitures boulevardières devant d’insipides sièges de sociétés…

Né et mort à Paris, la vie de Proust s’est déroulée au coeur d’un quadrilatère allant du Parc Monceau à la place de la Concorde, de la Concorde à Auteuil, d’Auteuil au Bois de Boulogne et à l’Étoile. « Le Paris de Proust
est un sfumato qui donne tout son sel à la lecture de l’oeuvre » précise joliment la conservatrice du musée Carnavalet en charge.

Son Huitième arrondissement s’étend jusqu’au bois de Boulogne, il recouvre le Paris de la fiction proustienne, et parfois de délicieuses rencontres, semble-t-il. Les plaisirs et les jours est le titre de son premier roman.

« Marcel Proust, un roman parisien » – exposition jusqu’au 10 avril 2022 : une belle machine à retisser le temps

Avant le MAHJ, puis la BNF (exposition qui sera évidemment très axée sur les manuscrits), Le musée Carnavalet – Histoire de Paris commémore le 150e anniversaire de la naissance de Marcel Proust (1871-1922) avec de belles impressions et visions urbaines. Le parcours de salle en salle possède une belle force d’évocation.

Les vues de Paris, des salons chics aux boulevards, de l’opéra aux lieux de réception, sont très prenantes. On voyage bien…


Consacrée aux rapports de Marcel Proust à Paris, où se déroule l’essentiel de son existence, l’exposition « Marcel Proust, un roman parisien » interroge la place de la ville dans le roman proustien.

C’est que Paris a une dimension décisive dans l’éveil de sa vocation littéraire, depuis ses premiers textes à la fin des années 1890 avec ses condisciples du Lycée Condorcet, jusqu’à ses débuts dans la haute société parisienne et la rencontre de personnalités déterminantes. En particulier Robert de Montesquiou, qui le mènera aux grands cercles aristocratiques de la plaine Monceau.

Reconstitution de la chambre de Proust, sans les murs en liège dont il l’avait tapissé. Mais il y en a une plaque carrée, à gauche…
A droite, le portrait sur son lit de mort par Man Ray, qui débutait alors à Paris, venu des États-Unis il y a peu.

La seconde partie de l’exposition ouvre sur le Paris fictionnel créé par Marcel Proust. En suivant l’architecture du roman À la recherche du temps perdu et au travers de lieux parisiens emblématiques, elle offre un voyage dans l’oeuvre et dans l’histoire de la ville, en s’attachant aux principaux protagonistes du roman. La ville de Paris, poétisée par la fiction, est le cadre de la quête du narrateur, double de l’auteur.

A droite, Proust avec les amis du lycée Condorcet. À gauche, avec son frère et Maman.
Les Paris de l’auteur et de Swann, le narrateur de l’oeuvre, sont bien cartographiés.

Un vrai foisonnement de film

Un parcours du Paris d’avant en 280 pièces (peintures, sculptures, oeuvres graphiques, photographies, maquettes d’architecture, accessoires et vêtements), manuscrits et documents d’archives évoque son univers parisien, entre réel et réinvention de soi, comme on aime tant à dire aujourd’hui.

Extraits de films d’archives Ina, comme Cocteau et bien sûr Céleste, sa fameuse gouvernante, qui ne savait pas cuisiner, adaptations cinématographiques. Des captations sonores d’À la recherche du temps perdu permettent de s’assoir en alcôve pour écouter le pur jus magique, l’entêtant parfum d’élégance des si belles phrases, le sens de la description et la faculté de se souvenir, comme à vif, du grand Marcel.

Et Anna de Noailles
Parallèlement, au sein des collections permanentes, une exposition-dossier « Anna de Noailles, L’Ombre des jours » permet de découvrir l’univers de création d’une amie de Marcel Proust, la poétesse et mécène Anna de Noailles, née Brancovan (1876-1933). La villa nosillest, à Hyères, c’est elle et son mari, évidemment. Dans les années 1910, elle habitait 40 rue Scheffer dans le XVIe arrondissement. Sa chambre, donnée au musée à la fin des années 1970, est aussi joliment reconstituée…

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