Mise à jour du 9/11/14 après le crash du SpaceShip II dans le désert Mojave , et point de vue un peu social sur le tourisme spatial :
Le crash du SpaceShipTwo de Virgin Galactic jette une lumière crue et cruelle sur les projets de tourisme spatial
« Cruelle car un pilote est mort dans l’accident survenu dans le désert du Mojave en Californie, la défaillance de l’engin a frappé peu après qu’il se soit détaché de l’avion porteur le WhiteKnightTwo et entame son vol autonome. Et le second est gravement blessé. Crue car cet accident repose la question de l’utilité sociale du tourisme spatial alors que des crédits publics ont déjà été dépensés par millions de dollars aux Etats-Unis pour attirer cette activité et qu’il y a quelques années Astrium (aujourd’hui Airbus Defense and Space) demandait un soutien public à son projet d’avion spatial pour touristes très friqués.
PUBLICITÉ MENSONGÈRE ?
L’accident qui frappe l’engin de la firme du milliardaire britannique Richard Branson devrait encourager une reflexion critique sur ces projets et à tout le moins bloquer tout financement public et inciter les Agences chargées de la sécurité à considérer les risques qu’ils peuvent faire courir aux passagers et aux citoyens en cas de crash au sol. Ces projets sont en effet portés par une publicité demesurée et souvent mensongère si l’on se souvient des annonces de vols commerciaux « pour bientôt » régulièrement lancées et démenties.
Au delà des problèmes techniques que pose l’accès à l’Espace, qui exige de concentrer de l’énergie et donc de prendre le risque de sa perte de contrôle, l’intérêt social de ces projets de tourisme pour millionnaires portés par des milliardaires et le message de consommation à outrance qu’ils représentent doivent être questionnés. Cet accident survient peu de jours après la destruction d’une fusée Antares emportant un cargo vers la Station spatiale internationale.
Voici donc des éléments d’information sur ce sujet avec la note d’octobre 2010 qui revient sur deux points: l’impact climatique d’un tourisme spatial de millionnaires, et ma vision très critique du projet de tourisme spatial que poursuit encore Airbus Defense and space, à l’époque Astrium EADS.
Ma conclusion de 2007 s’appliquait au projet d’Airbus Defense and Space, elle s’applique à celui de Virgin Galactic et reste valable : «La vraie question posée par ce projet ne réside pas dans sa possibilité technique. Il y aura bien un jour ou l’autre un accident. Il y aura bien, si l’on suit le concept d’Astrium, un des passagers qui, vomissement aidant, ne sera pas dans son siège lorsque le pic à 4,5 g surviendra lors de la rentrée dans l’atmosphère. Mais on peut faire confiance aux ingénieurs d’EADS pour trouver des solutions techniques, aux opérateurs pour bâtir le complexe touristique où les happy few seront accueillis, aux assurances pour calculer la prime, aux pouvoirs publics pour écrire la réglementation nécessaire. Reste la morale de l’histoire. Pourquoi fabriquer cet engin ? Ouvrir la route de l’espace ? Déjà fait depuis 1961. Explorer l’espace compris entre 20 et 100 km d’altitude ? Mauvais outil. Créer de l’emploi ? Pour un milliard d’euros, il est possible d’en créer beaucoup plus pour des activités socialement utiles. Innover ? Il vaudrait mieux filer cette somme aux centaines de projets proposés par les scientifiques et non financés par l’Agence nationale de la recherche. Innovation sociétale ?
« Réserver aux plus riches les loisirs les plus chers et les plus polluants, on sait faire depuis les pharaons d’Egypte. Ce projet high-tech fait du vieux avec du neuf, le nouveau comble de l’ingénieur. »
1000 VOLS PAR AN: ET LE CLIMAT ?
Voici une note publiée le 22 octobre 2010.
Le tourisme spatial, c’est aujourd’hui réservé à quelques milliardaires qui se sont envolés en Soyouz depuis Baïkonour. Mais le tourisme spatial sub-orbital – un petit tour de quelques minutes à près de 100 kilomètres d’altitude et on redescend – pourrait demain s’ouvrir à des dizaines de milliers de millionnaires. Or, révèle un article qui paraît dans Geophysical research letters, si on en vient à de telles quantités, cette activité d’ultra-riches deviendrait un facteur important, massif même, de changement climatique.
Après une décennie de vols, à raison de 1000 par an, ce qui n’est pas très éloigné des objectifs des industriels, la contribution au changement climatique de cette activité serait égale à celle de la totalité des vols d’avions actuel. Pourquoi ? Parce qu’elle proviendrait du dépôt dans la stratosphère d’une suie très fine et très efficace pour piéger le rayonnement solaire.
Ce sont trois scientifiques, Martin Ross de l’Aerospace Corporation, Michael Mills (Earth System Laboratory, à Boulder, USA) et Darin Toohey (université du Colorado à Boulder) qui se sont coltinés les calculs. Ils ont bien entendu fait quelques hypothèses, sur les moteurs utilisés et le rythme des vols.
Mais les hypothèses n’ont rien de farfelues. Elles proviennent des projets annoncés par Virgin Galactic, EADS, Planetspace ou Space Adventures. EADS évoque un marché de 15.000 passagers par an en 2020. Virgin Galactic affirme avoir déjà des réservations pour 30 000 billets à 200.000 dollars (avec un accompte de la moitié si on veut faire partie de la première année de vols). Tous ces chiffres comportent une part importante de publicité et de propagande et les spécialistes sont dubitatifs, surtout sur les rythmes et les calendrier annoncés. Toutefois, il n’y a là rien de vraiment rédhibitoire en matière de technologie, seuls les coûts et la sécurité semblent reposer sur des paris.
Du coup, puisqu’il faut se projeter un peu loin dans le futur, il n’est pas inutile de voir si cette activité d’ultra-luxe ne serait pas un de ces trucs avec lesquels « les riches détruisent la planète » comme l’explique bien mon confrère Hervé Kempf du Monde (qui me demande de préciser qu’il n’y est plus aujourd’hui, mais à Reporterre).
Les trois scientifiques ont donc fait tourner des modèles de climat et de chimie atmosphérique (en particulier le cycle de l’ozone) avec la pollution émise par les moteurs de ces fusées. Cette pollution se décline en aluminium, fins débris métalliques, particules de suies qui vont modifier la chimie de la stratosphère et son bilan radiatif. L’important à comprendre, c’est que déposé dans la stratosphère, bien plus haut que les altitudes communes des avions, entre 16 et 70 kilomètres d’altitude, cette pollution va y rester longtemps, au moins dix ans après son émission. Et même si elle est injectée en une zone très précise – les scientifiques ont choisi un site à 33°N par 107°Ouest – elle va assez rapidement se répandre sur une large bande de 22°N à 45°N ce qui produit un effet surtout sensible sur l’hémisphère nord.
Les scientifiques ont réalisé des simulations numériques sur 30 ans (un test à vide et une avec les émissions dûes au tourisme spatial). Résultats ?
► D’abord une diminution de la couche d’ozone stratosphérique sur les tropiques et les sub tropiques d’environ 1,7%… c’est à dire plus que ce qu’ont produit les CFC bannis par le protocole de Montréal. ►Ensuite, paradoxe : une augmentation de 5% environ pour les hautes latitudes et régions polaires (autrement dit, on ferait là de la géo-ingéniérie réparatrice sans le vouloir, après avoir fait l’inverse). ► Côté températures, il y aurait une hausse de 0,2°C dans la stratosphère entre 25°N et 45°N, ce qui modifierait sensiblement la circulation atmosphérique. Au sol ou en surface de l’océan, l’effet serait également d’environ 0,2°C dans les régions polaires, la plupart du temps, mais avec des pointes à 1°C à certaines périodes. Un tel réchauffement produirait des rétroactions positives, avec une diminution supplémentaire de la glace de mer, donc diminution de l’albédo (absorption de l’énergie par l’océan au lieu de sa réflexion par la glace). En revanche, il y aurait un refroidissement dans la bande entre 25°N et 45°N.
les auteurs préviennent toutefois qu’il ne faut pas prendre ces résultats trop au pied du chiffre. Il y a encore trop d’inconnues sur le rythme des vols, ou la localisation des tirs. Mais plutôt comme une claire indication qu’une activité de tourisme spatial aussi massive que celle recherchée par les industriels qui s’y sont lancés aurait des effets notables. Surtout, ils seraient essentiellement dûs aux particules de suies, dont l’efficacité en termes de forçage radiatif serait 140.000 fois plus élevé que celui du CO2 émis par ces fusées.
source : ScienceBlog Libération Sylvestre Huet, le 1 novembre 2014
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Mise à jour du 22 juillet 2014, d’après une source personnelle bien informée :
» Ho ça ne va pas démarrer vraiment je pense pour Virgin Galactic car le moteur pose problème. Mais Xcor va surement marcher et la navette européenne d’Airbus a été annoncée le 16 Juin pour 2020; et celle là atterrira bien sur n’importe quel aéroport européen ! »
A bientôt, donc…
Si le tourisme spatial en avion-fusée devait démarrer en 2015, il est depuis 2013 en phase Béta de vols test chez Virgin Galactic, comme on constatera ci-dessous :
Légende : SS2 Virgin Galactic first-supersonic-flight-telescope-image. « Virgin Galactic réussit son 2° vol propulsé avec 21 kms d’altitude, 1700 km/h, et le test complet du retour de l’espace sans aucun pépin– Yessss!!! 2° vol réussi avec 20 secondes de propulsion ce 5 septembre! +++ Le PDG (Richard Branson, le boss barbu le plus médiatique) annonce encore une vingtaine d’essais avant les vols commerciaux, le calendrier reste bon pour 2015«
Site : Un ticket pour l’espace
2015 en ligne de mire, donc…
et déjà, depuis le 15 mars 2013, les joies de l’apesanteur en Airbus :
Par ailleurs, grâce au CNES, 80 Européens ont déjà pu flotter au-dessus de la France les 15 mars et 28 juin derniers, à partir de Bordeaux-Mérignac, et àbord du Air Zero G, un Bo Boing spécialement aménagé .40 autres en feront autant en novembre. Prix du ticket d’entrée ? 5980 Euros. Détails dans mon article dans Où ? Magazine, printemps 2013 :
sur l’avion Air Zéro G dédié aux expériences scientifiques françaises. Enquête de trajectoires…
Puis celui dans : magazine Le Français dans le Monde, 09 &10 2013 :
Et voici la fiche pédagogique réalisée à partir de l’article pour les élèves du réseau
francophone mondial, elle est trop mignonne :
Et la fiche pédagogique qui en découla :
http://www.fdlm.org/wp-content/uploads/2013/09/Fiches-FDLM389_14.pdf
Le lien correspondant ici
Par ailleurs, l’écrivain Vincent Ravalec y a participé au titre d’artiste en résidence, tout comme la chorégraphe Kitsou Dubois ou bien d’autres artistes. Ces « clowns lyriques faisant leur numéro dans les arènes du cirque capitaliste » (La citation de de Gorki Maxime, reprise par Gary Romain)
« Sélectionné lors d’un appel à résidence lancé avec le CNES auprès d’artistes pour participer à des vols en apesanteur, l’écrivain Vincent Ravalec retranscrit cette expérience inédite. Avec lui, prenez les commandes d’un vol Zéro-G pour une expérience subjective en impesanteur, immergé dans un univers sonore et visuel en 3D. »
Lien de l’oeuvre :
www.airzerog.com
À lire : Voler en apesanteur, un rêve
désormais possible, éditions Vuibert,
écrit par Frank Lehot, instructeur Air
Zéro G. Ce guide détaille les étapes
du baptême et fournit un bel historique
des expériences aérospatiales.