Ce qui vous a construit, détruit : en faire un film ?

Au menu : Dire ce qui m’a fait, défait, en faire un film avec Élise. Avec les dessins d’une cicatrice d’opérations hépatiques. Avec son inspiration, la mienne…

Un mien dessin pour base cette fois-ci
Échographie cardiaque, Saint-Antoine 2/5/29
Miscellanées voyageuses
Récente œuvre murale de mosaïste, Lisboa

Avatars d’un rêve riedelien
Tu vis
Tu vas
Tu…


C’était les années soixante-dix. Mon père m’emmena aussi dans un camp Ashram dans les Alpes dominé lar la figure tutélaire d’un vieux gourou indien assez doux dans mon souvenir. Rien de méchant, je crois.

On alla aussi quelques étés avec un ami à lui pied-bot, un barbu doux, qui conduisait un combi Volkswagen, vers une maison communautaire orientée sagesse et régime macrobiotique dans les Landes, à Soulac-sur-Mer. On m’y apprit entre autres à bien mâcher. La plage de Soulac était jolie, c’est là que Achim connut et eut une idylle avec Françoise Leclerc, une femme d’origine bordelaise mariée à un pilote de l’air.

Je la revis de temps en temps chez elle, un joli pavillon en meules, à Bagneux, après la disparition de mon père. Elle me tira les cartes. Elle me dit en gros que je ne manquerai de rien. Elle vit des séparations avec les femmes qui compteraient. Elle avait dit aussi
« Je vois une maladie ».

Françoise, une femme très comme il faut, avait connu sur cette plage nudiste de Soulac-sur-Mer mon père allemand, qui s’était séparé de ma mère d’origine portugaise quand j’avais deux ans.

Mon père Achim Riedel, s’était s’engouffré au petit matin, en Mars, à bord d’une Renault 16 (empruntée à une amie allemande, qui la déclara ensuite volée sur Interpol)  dans le canal de Bourgogne. Pas de ceinture de sécurité. Hydrocution, dernier frisson. C’était du côté de Monbarr, la ligne de tgv passe aujourd’hui en parallèle au canal de Bourgogne.

C’était 3 jours après l’électrocution du chanteur Claude François dans sa baignoire parisienne. Ce nétait pas très malin, cette coïncidence. Car chaque année, l’anniversaire de la disparition du chanteur d’Alexandri(n)e, Alexandra venait rappeler la disparition et surtout la vie de ce père que j’avais peu connu. Heureusement en un sens, car il avait un côté inquiétant.

Il était devenu avocat car il était l’aîné, il aurait préféré paraît-il être garde forestier. Cela relevait probablement d’un idéal de compensation. Il me prenait en vacances l’été. Il avait une caravane dans un camp de naturistes près de Würzburg (où il avait connu ma mère étudiant l’allemand à la faculté).

Il fallait être nu. Un minimum. Or le petit parisien que je suis aussi avait du mal à tomber le slip en vacances. D’autres enfants se moquaient de cela. Il tomba le slip comme on lâche sa gourme. Une libération teintée d’etrange…

Il se rêve en va et vient
Il s’en va et revient

Ma mère Jacqueline avait aussi connu Françoise après la mort de mon père Achim. Elle était venue au Père Lachaise au crématorium où papa brûla.

Ma mère parlait beaucoup trop mais avait un bon fond. Elle m’avait dit, alors que j’étais assez jeune, que mon père « faisait très bien l’amour« . Donc, cela ne l’étonnait pas que Françoise ait pu aimer. Mon père était un grand romantique allemand, un névrosé enfermé dans son calme apparent, il explosait parfois, devint très violent dans les conflits d’après divorce. Il venait d’Allemagne jusqu’à notre porte d’immeuble parisien et exigeait qu’on lui ouvre. On refusait. Il avait défoncé la porte par dépit deux ou trois fois. Ma mère porta plainte au commissariat du XIII, moi dans ses talons. Un drôle de rituel que ce dépôt de plainte…

Ma mère, qui devint ravagée mentalement à partir de la cinquantaine, avait eu bien des talents. Fille d’immigrés ouvriers portugais, elle devint professeur à la force du poignet. Elle retournait au portugal 3 fois l’an. Dans les années post- révolutionnaires de 1974. Elle adorait les fêtes et concerts de chanteurs engagés, proches des partis d’extrême gauche. Les Communistes portugais en faisaient alors partie.

Elle s’efforça avec succès de connaître des figures marquantes d’un nouveau Portugal, brièvement transfiguré en berceau d’utopies après la « révolution des Oeillets » qui mit fin à la dictature en 1974. Elle connut des tas de gens engagés, elle était volubile…
Alors, on suivit les progrès de la révolution en cours. Elle m’emmena en Alentejo chez des amis ou amants chanteurs. Il y en avait un, José Godinho, qui vivait dans un moulin, c’était chouette. Il avait bien sûr une Coccinelle, des soirées de rêves populaires, d’espoirs partagés, de chants de paysans engagés dans les coopératives menant à bien une réforme agraire qui avait un bref temps écarté les gros propriétaires terriens. L’ambiance était belle. Ma petite maman si forte pour parler avec des inconnus (on connut ensemble l’amie Maria de Medeiros, qui avait comme moi seize ans).

Il y eût aussi le merveilleux José Zec Afonso, qui est resté dans l’histoire portugaise comme le chanteur symbole de ces années là : un marqueur de la révolution.

Eveil d’une tentation voyageuse

On a dormi chez ce chanteur José Afonso à Setubal, près de Lisboa, il est venu à Paris chez nous plusieurs fois. Je suis allé à Radio-France enregistrer une émission à lui consacrée. Il était bien à l’écoute des autres, cet homme-là.

Ma mère préparait de grands repas portugais pour ses amis comédiens, écrivains, profs (dont Pierre Leglise-Costa, resté un ami, devenu une sorte de parrain bienveillant). Souvent la recette du bacalhau a bras était l’une de ses spécialités servies.

L’on buvait ce petit blanc pétillant léger si bon l’été, le vinho verde. Il se pourrait que je sois devenu et resté un  petit blanc portugais. Un ADN pétillant en résulta, j’étais devenu un petit Parisien doté d’un triple regard.

Un peu chez lui au Portugal, dans le petit appartement rénové à la fin des années dix. Vue sur la rivière et l’autre rive scintillant le soir.
Ce deux pièces était devenu un taudis squatté. Après que ma mère eut tout lâché, tout abandonné, plus rien payé. J’ai du éponger bien des dettes et couleuvres.

Ma mère passa ses 12 dernières années sans pouvoir bouger, entre lit articulé à commande électrique, couches-culotte et rapports sadomasochistes maladifs (qui faisaient peur à voir et vivre quand je venais)  avec son compagnon. Ils étaient devenus oufs. Jean avait un bon fond aussi il avait été très réservé, d’allure distinguée. Avant d’être contaminé par la folie ambiante…

Une synthèse de ce qui m’a construit

L’envie de l’autre rive, celles du fleuve à longer, du mont à gravir, où que tu arrives, l’envie de l’ailleurs, comme une envie d’être ravi par le soleil dans les yeux, l’utopie du voyage. Ces envies là, ces renoncements çi, ont du monter comme ça en moi. En résultat d’une enfance européenne, peut-être, une envie d’être ailleurs dans l’lci. Insaisissable, insaisi, désaisi des obligations. Indépendant, free lance devant l’éternel. Loyal et fidèle quand même, allez savoir pourquoi. Ma seule infidélité est un voyage…

Dessins d’Élise Parré
Un peu de chamanisme…


https://www.liberation.fr/planete/2017/04/25/au-portugal-quand-une-chanson-fit-la-revolution_1565226/
t’en…

45 ans plus tard : Ce qui me prend

Trois ans de stratagèmes anti- crabe, trente chimios, 4 opérations… pour aboutir en mai 29 à un oedème généralisé. Un gonflement monstrueux. Les boules à vif depuis cinq mois. Mon sexe s’est transformé en champignon gonflé. Ma cuisse droite a triplé de volume, comme le cou de pied. L’autre jambe suit le même chemin. Les limites de l’effroi sont atteintes, vite dépassées. Je m’efforce de ne pas y penser en plus de le voir à l’œuvre. Ce qui est effarant. Seul un Jérôme Bosch aurait pu imaginer et peindre cette transformation de la verge en un tube aux contours inversés.

Un œdème du pénis et du scrotum est rencontré dans 1 à 2 % des cas. Chez les patients ayant eu une lymphadénectomie, l’incidence est plus marquée. Cliniquement, l’œdème apparaît progressivement et, dans la majorité des cas, se résorbe complètement. Ouf, on aimerait trop !
https://www.arcagy.org › traitements

15/5/29
Je viens d’annuler tous mes tours de guide jusqu’à fin septembre. J’ai l’étrange impression de devoir brader (les tenants de) mon existence.
J’ai bien mal, ça brûle quand je marche, la partie droite du corps jusqu’à la hanche est gonflée, oedimisation témoignant du développement impérieux de ce qui se joue en moi.
Je continue à être capable de me trainer 200 mètres après 200 mètres. Je suis une puce-élephant.

Sapore di sale, sapore di mare
Saveur de sel, saveur de mer
Le titre et le refrain m’importent presque plus que l’ensemble de cette chansonnette… charmante.
https://youtu.be/QIysl6qdiQI

Pazienza !

L’amie D. commente ainsi :
« Christophe, ces nouvelles m’attristent beaucoup. Je suis tellement mais tellement désolée que tu aies à vivre tous ces effets secondaires et corollaires des traitements et de la maladie. Je continue néanmoins de croire que tu vas vaincre ce crabe. Tu as une force rare, je t’assure. Ta façon d’en parler, arrivant parfois même à m’arracher un sourire tant ta plume est unique, et aussi ton courage dans le combat, non seulement forcent l’admiration mais laisse aussi imaginer une possible rémission. J’aimerais te donner dans cette bataille un max de mes énergies. « 

Pazienza !
Comme disent les Italiens en un mélange de dépit et de résignation. La sagesse serait je suppose l’acceptation de tous nos malheurs… Accepter et malgré cela lutter, continuer de le faire… »

« Je vais prendre ta douleur »

OOn adore Camille, cette chanson, le trouble de ces images, ce bleu détricoté…

19/5/29
L’oedème occupe toute la jambe droite, on ne me donne rien. Il n’y a rien à faire.

Je laisserai trace remarquable dans ce petit film  » sur ce que je suis et mon rapport au monde  » selon les mots une  amie artiste connue en terminale : la talentueuse et fidèle @elise.parre sur insta

Entre regards et arts, un film avec voyages comme étendards, comme autant d’art de l’observation flottante du vu en voyage. Une station poétique, un observatoire de l’espace traversé. Le lien du film sera donné plus tard.

8/6/30

Change de disque !

Heureusement que le taxi au retour de Roussy était taiseux, ça changeait de celui de l’aller qui causait tout seul en boucle sur les difficultés circulatoires, sans changer de disque. À la fin, il disait vouloir supprimer les camions le matin…

Faut dire qu’on était bien coincés sous copieuse averse sur le périph. Qui, mine de rien est à la circulation ce que la démocratie est aux régimes politiques. On a rien trouvé de mieux depuis…

Puis moi, au retour, j’étais bien dans ma tête en mode sans parlotte périphérique :

je digérais les infos fraîches de Crabe city, comprendre l’Institut Roussy.

Linda la chef de clinique (au revers de main affectueux sur ma pire jambe en fin d’entretien) m’avait diplomatiquement annoncé ce que l’IRM du 19 mai mettait en évidence.
Par effet de contiguïté, ces salopards de ganglions tout-puissants ont commencé à ronger les trois premiers disques vertebraux de la colonne. Pas étonnant que je marche de moins en moins, que mon aine et mon dos soient foudroyés sitôt que je me lève commer si j’étais un éléphant nain du Sri Lanka.
La Linda, je lui ai demandé : à ce rythme d’évolution de la maladie, où en serais-je dans un, 2 ou 3 mois ?
Là elle m’a répondu : n’anticipons pas. Mouais, j’aimerais pourtant bien savoir, moi, le malade de mes couilles et des prévisions inaccomplies !

Bien gagné ma journée, plus qu’à aller jouer aux osselets avec mes vertèbres dézinguées en cape noire « no futur ».

Ça me court sur la colonne et ça promet !

Embrasse les montagnes de ma part !

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