Poème gastro-lyrique d’un Chef ***
Un chef triplement étoilé a (peut-être) écrit ce poème. Il se tient dans l’ombre de ses plats : un angle difficile, parfois…
ll y aura toujours ce plaisir
printanier à renaître en fruit, légume,
Être une asperge de l’instant
Le filet mignon du tentant
Mijoté cassolé pas trop longtemps
Suffisamment pour
qu’on en oublie l’instant
Il suffit de
Se traiter avec délicatesse,
à cuisson basse température
Avoir l’air moins design
que le « design culinaire »
Dont les figures et motifs imposés traitent chaque assiette d’égale façon : cubes, rectangles, triangles miniature
Gouttes de balsamique, concentrés divers, réductions trop puissantes formant Yin ou Yang sur les bord d’assiette
Un peu d’huile semi-précieuse pour faire passer…
Soyons juste, c’était beau au début, tout cela, puis un peu répétitif…
Ma quintessence à moi a t’elle envie, est-elle preneuse de cet excès d’apprêts en assiette ?
Je ne sais trop comment départager le bon du beau. L’assiette copieuse à la Papa était le père à tuer…
Ma substance à moi
veut de l’abondance parfois
Plus qu’un coulis de bonnes
intentions copiées collées
Dans une assiette cubiste
La substance de notre plat
s’écoulera en pensées sauvages, souci et violette
Elle retrouvera de l’animalité,
A la recherche de la chair un poil perdue par la sophistication
Elle brûlera les écailles
chamaniques de la féra
Un léger goût de terre de
poisson de lac
Plongeant au fond
de son milieu comme de lui même
je pense du coup à l’apnéiste olympique Guillaume Nery, un gars d’Annecy, qui adore y plonger










Je pose ma fourchette
dans un plat
longtemps pensé
Sans en avoir l’air
Une bonne farce aux champignons de bois voisin, Joigny, Annecy, Lausanne ou Bessy, servie entre deux lacs…
La fin des champignons
Le doux haricot vert à venir
Des haricots beiges
Comme neige
fondant
Au sol
Y a t’il vraiment une recette ?
Mmmmm… Comment dire ?
Lamour de la vie
fait l’envie
D’un agneau mignon
de six heures
Au long fumet
Renaissant à la vie
Dès potron minet, c’est à dire très tôt :
L’heure du cuisinier
Éternel revenant du marché
Sous une halle boisée
Qui donnera une note fumée
Celle des cheminées de nos promenades,
Nez en l’air,
Tête en ciel
Persillé
Christophe Riedel