J’ai ainsi lancé un pugilatelier. Un débat autour de l’écriture inclusive, dans un groupe de l’Est parisien. Contrairement aux craintes exprimées, il n’a pas dérapé :
« Que diriez-vous d’un pugilatelier sur l’écriture inclusive.e.s.balls.prisedetete?
Ma position : Suis partant du féminin qui l’emporterait pour 1110 ou 2222.π ans au lieu du masculin, prépondérant jusqu’alors. Mais pas ce bazar en .e.s. qui ronge la langue. Sa matérialité est trop ingrate à l’oeil.«
L’inclusivisme sonne comme un problème de gencive perforée par une dent poussant de travers. L’écriture inclusive avec ses points médians et autres aspérités est si indigeste à l’oeil… et à une pensée qui ne soit pas manichéenne, en opposition binaire entre féminin et masculin.
Parlons au féminin dorénavant. 🙂
Ou au genre neutre, dont les extensions restent à inventer.
Ou bien inventons dieu sait quoi de moins vilain…
Je veux bien la marque du féminin pour 1110 ans, après 2000, ou 10 000 années de domination masculine. Mais pitié, pas ce pâté d’écrit en « . », conçu par et pour de jeunes tâcherons, infantilisés dans leur écriture au nom d’un sens de l’égalité qui relève du dogme.
Florilège de réponses pertinentes
Tribune de linguistes sur le sujet parue dans Marianne, l’un des articles de référence sur la question. https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/une-ecriture-excluante-qui-s-impose-par-la-propagande-32-linguistes-listent-les
Katia Sc : cette tribune est réac ! Marianne publie régulièrement des tribunes réac… et ne vous sentez pas visé, je ne parlais pas de vous, ni même ne pensait à vous. Et n’ai jamais dit que toute personne qui ceci était cela. J’ai parlé de moi et de mon envie d’utiliser des formules plus inclusives. Peu m’importe que cela vous gave…
Jérôme V : Nous ne sommes pas d’accord sur plusieurs points, et pourtant comme vous le notez vous mêmes je suis très sensible au principe d’égalité, du moins autant que vous, sans pour autant tracer de frontières simplistes Réacs/Progressistes , dès qu’une opinion me semble contraire à la mienne voire dessert les principes qu’elle prétend défendre. Je travaille dans l’industrie depuis 30 ans et ai vu ces dix dernières années fleurir des « integration and diversity managers » (sic), férus de langue inclusive ( il est vrai avec beaucoup de parenthèses et points médians), célébrant la journée de la femme, la gay pride, les diversités culturelles, avec photos du personnel tenant des pancartes « nous sommes tous égaux », postées sur les réseaux sociaux pour bien montrer que notre entreprise prenait ce sujet au sérieux. La réalité des faits est restée très éloignée de l’affichage. Les différences de salaires et de traitements, dans ce milieu très conservateur (que vous trouveriez très réac à coup sûr), sont restées sensiblement les mêmes, mais vu de l’extèrieur, l’affichage, auquel participe l’usage intense de langue inclusive pourrait laisser croire à une industrie extrêmement progressiste.
Pour vous « c’est déja ça » , et pour moi c’est pire que tout. Ces apparats sont la verroterie qu’on donne aux naifs, persuadés d’avoir fait un pas vers plus d’égalité, et créditent, bien à tort, ces entreprises d’une véritable prise en compte des inégalités sociétales (ou des problématiques écologiques, abordées pareillement, mais ce n’est pas le sujet).
Pour le reste, écrire ou dire « une autrice » ou « une auteure » ne me gène pas, parce que ça reste intelligible à l’oral comme à l’écrit. Et dire « bonjour à tous », lorsqu’on s’adresse à une assemblée ne me paraît pas excluant.
N’y voyez aucune malice, mais les polémiques sur l’écriture inclusive me rappellent les réquisitoires que Pierre Desproges commençait par « Françaises, Français, Belges, Belges,… » pour moquer notre président de l’époque, VGE qui se parait déja de tous les atours du progressisme, et c’était il y a plus de quarante ans… »
Nathalie L , réponse à Jérôme V
» Vous mélangez à mes yeux votre expérience en entreprise et une question de linguistique et de société beaucoup plus large. En l’occurrence votre experience est interessante mais de la même façon que je ne vais pas arrêter d’être écolo sous prétexte que certains font du Green washing je ne vais pas arrêter d’être inclusive sous prétexte qu’en entreprise ce n’est qu’un slogan. Pour moi c’est juste une conviction personnelle, une prise de conscience que j’essaie de traduire au mieux dans mon langage écrit ou oral sans dogmatisme ou acharnement. Réduire cette question à la tribune de Marianne à laquelle je réagissais à l’origine me parait bien dommage d’où la proposition d’un autre point de vue. »
Le même, en réponse à Nathalie L
Merci pour cette réponse à la tribune de Marianne que vous qualifiez de « réac », à mon avis à tort.
Elle fonde son argumentaire sur l’évolution d’une langue vivante, ce qui n’est pas le sujet de la tribune de Marianne, qui ne nie pas ni ne conteste la féminisation de certains mots, mais exprime l’inanité de l’écriture inclusive. La langue française permet de séparer le sexe d’une personne et de la fonction qu’elle occupe (« Elle est médecin »). L’usage du point ou tiret médian rend les textes impossibles à exprimer oralement, ce qui est, convenez en, le comble pour une langue vivante.
La tribune que vous nous proposez fait mention du fait que l’écriture inclusive est largement utilisée dans de nombreuses entreprises, et c’est tout à fait exact. Dans ces mêmes entreprises, les femmes gagnent à compétences égales environ 25% de moins que les hommes. La victoire de l’écriture inclusive dans le monde de l’entreprise, permet à peu de frais de faire montre d’un « principe d’égalité » entre hommes et femmes, qui en réalité n’existe pas.
Il est vrai que les entreprises utilisent le langage pour travestir certains de leurs méfaits. Elles font des « Plans de Sauvegarde de l’Emploi » quand elles licencient massivement, Elles savent intégrer la diversité en sous-traitant certains postes à des « partenaires auto-entrepreneurs », bien exploités mais dont la photo apparaît sur leurs plaquettes publicitaires.
Veuillez me pardonner, mais il me semble que l’écriture inclusive est un cache-misère, que je trouve d’autant plus laid, qu’il est celui d’une société profondément inégalitaire, qui digère tous les concepts sans s’attaquer au fond.
Dolorès D :

Guillaume S
Il n’y a pas une écriture inclusive, mais des écritures inclusives. Certaines propositions peuvent paraître absurdes, d’autres méritent réflexion. Par exemple, l’introduction de pronoms impersonnels ou les accords selon la place du féminin et du masculin dans la phrase.
La langue est vivante et je suis assez convaincu que des formes inclusives deviendront la norme avec le temps quand d’autres disparaîtront.«
Elsa K

Christophe Riedel
Et certaines gens de maintenant sont si vindicatifs, trop, peut-être, pour mieux compenser le passif d’une tyrannie masculine longtemps exercée. Les actuels sont les anciens d’après-demain. La langue évoluera, comme toujours elle le fit. Tant mieux/ tant pis ! Citons aussi l’accord de proximité qui existait au moyen-Âge.
Elizabeth B
cette écriture inclusive est plus excluante qu’autre chose. Que faites vous des dyslexiques et autres dys ? Vous leur mettez des bâtons dans les roues, alors que lire et comprendre leur demande un temps énorme…
BV : Ne pas exclure les femmes (50% de l’humanite) s’apprendra aussi par les dys filles et garçon. Une difficulté d apprentissage ne s’oppose pas à un changement d d’orthographe qui reconnait une visibilité à cette moitié de l’humanite.
Béatrice G
« Si le combat féministe part dans l’écriture, c’est que vous n’avez plus grand chose à vous mettre sous la dent. Je refuse cette écriture. Nous sommes de plus en plus nombreux à la condamner. Signée, une féministe universaliste. »
Maylis M
« Pleins d’arguments sont résumés à la fin de l’article plus haut : « Un usage militant qui déconstruit les savoirs, complexifie les pratiques, s’affranchit des faits scientifiques, s’impose par la propagande et exclut les locuteurs en difficulté au nom de l’idéologie. » En tant que correctrice d’édition et enseignante de français, j’ajouterai que cette pratique ne tient aucun compte non plus de la beauté de la langue, notamment écrite, dont elle casse le rythme et la fluidité de la lecture, l’œil étant sans cesse arrêté. Si cet usage s’imposait, on finirait par se retrouver avec des gens qui seraient incapables de lire tous les grands et beaux textes…
Ou alors il faudrait leur « traduire » en écriture inclusive Racine, Maupassant et Proust ? Les gens lisent déjà de moins en moins de littérature, mais alors là, ça serait cuit ! »
EZ
« J’ai beaucoup appris grâce à l’excellente historienne de la littérature Eliane Viennot et vous recommande vivement son livre accessible et super intéressant. – On ne naît pas femme, on la devient, aurait dû écrire Simone de Beauvoir, affirme t’elle : https://www.editions-ixe.fr/catalogue/le-langage-inclusif-pourquoi-comment/
Elisabeth L
Il y a plus de militantisme que de science dans les écrits d’Éliane Viennot. Partout où ça parle d’inclusif, c’est elle que l’on croise, à un moment il faut se demander pourquoi elle est seule. Et déjà, ça part mal avec l’exemple qu’elle donne ! Dans la phrase « On ne naît pas femme, on le devient. », ce « le » n’a rien à voir avec le déterminant masculin singulier mais est un pronom neutre (sans indication de genre et de nombre), qui reprend un antécédent qui peut aussi bien être un attribut – comme dans cette phrase – qu’une proposition subordonnée ou qu’un groupe de mots (voire qu’une phrase entière). Ce qu’elle propose n’a donc aucun sens au niveau grammatical, puisque ça répond à la question induite « on devient quoi » ? « Quoi ? » étant également un pronom neutre qui renvoie implicitement à « quelle chose ? », antécédent indéfini.
Katia Sc
La phrase de Beauvoir en exergue n’est pas à mon sens posée là pour illustrer l’écriture inclusive mais pour réellement poser le problème. Nous nous construisons avec le matériau sociétal qui nous entoure, le langage, l’écriture en font partie.
Véronique BZ
» Ben oui mais non, puisqu’elle prend cette phrase pour en faire « On ne naît pas femme, on la devient », voulant expliquer et exemplifier que « Telle est la phrase que Simone de Beauvoir aurait écrite si, fille de l’école, elle n’avait assimilé les règles concoctées depuis le XVIIe siècle pour donner au « genre le plus noble » la place qu’il occupe aujourd’hui dans la langue française. » (je la cite). C’est donc bien une illustration. Après, qu’elle n’ait pas choisi cette phrase par hasard, bien sûr. Mais il n’empêche que son exemple est grammaticalement fort mal choisi.
Katia Sc
« il s’agit juste de cesser de conditionner nos enfants à intégrer la domination masculine comme une règle. Ne plus dire « Le masculin l’emporte sur le féminin ». Il est proposé de laisser le choix. Tolérer la règle de proximité, ou l’accord de majorité, ou l’accord au choix. Rien d’exagéré donc. Juste une alternative. Les hommes et les femmes pourront être fortes. Les hommes et les femmes pourront être forts. Et pour ceux qui veulent les femmes et les hommes pourront être forts. «
Sébastien N
Si je reprends votre argument, enfoncer l’écriture inclusive au piolet dans la tête des gens serait justement leur faire une grande violence, par rapport aux usages 😉 J’ai un souci avec le patriarcat dans la société, mais j’ai aussi, chevillé au corps, un immense amour pour la langue française : en tant que correctrice d’édition, j’ai un peu un rôle de « gardienne du temple » ; en tant qu’enseignante de français, j’ai celui de transmettre un héritage, façonné par une histoire qui, quoi qu’on en pense, a existé, qu’il faut contextualiser mais certainement pas effacer, selon moi. Nulle panique « morale » chez moi, mais une panique esthétique, intellectuelle, et professionnelle, donc ^^. Et en tant que féministe, je pense qu’il y a bien d’autres combats à mener, autrement plus importants.
John BB :
« Partout où ça parle d’inclusif, ça part en couilles, quel est son but ? Créer du chaos ? Exclure les gens qui n’en veulent pas (il faut changer de nom alors si votre but c’est la guerre et la division au sein de la langue) et forcer des nouvelles règles auxquelles personne ne comprend rien (et que personne n’applique pareil vu qu’il n’y a pas de standard) en pensant que, pouf, le langage ça s’adapte, comme ça, par magie ? »
Maylis M
La règle de proximité consiste à accorder en genre et en nombre l’adjectif avec le dernier nom (par exemple : « les garçons et les filles sont belles », ou « les filles et les garçons sont beaux »).
John Bobo
« Tous les hommes et les femmes sont belles« , Racine utilisait d’ailleurs l’accord de proximité, vers souvent cité : « Surtout j’ai cru devoir aux larmes, aux prières
Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières ». D’une simplicité biblique, dans la plus belle des langues françaises. Cqfd.
Katia S : « Mais aucune langue ne se crée de façon « naturelle » ! Une politique linguistique, c’est toujours de la politique. C’est Anthony Lodge qui a dit qu’une langue, c’était un dialecte qui avait réussi à s’imposer ^^. Que ce soit le serment de Strasbourg en 842, l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, ou les Jacobins qui ont voulu imposer le français de force au détriment des parlers locaux pendant la Révolution (politique de traque des « patois » qui a perduré bien longtemps pour imposer le français et a été très violente), tout a toujours été de la politique. À noter toutefois que, par moments, il ne s’agissait pas d’unifier par le haut en se réglant non sur les bourgeois mais sur les nobles et les lettrés, mais au contraire de démocratiser l’accès au savoir (remplacer le latin par le français au XVIè siècle allait dans ce sens, vouloir pouvoir propager les idées de la Révolution aussi, vouloir faire rayonner le génie français à la fin du XIXè aussi. » https://livre.fnac.com/a949165/R-Anthony-Lodge-Le-Gayado L’esprit Français
Puisqu’il faut bien finir…
Christophe Riedel
Je trouve la matérialité de l’écriture inclusive terriblement pesante, indigeste à l’oeil.
Un truc binaire en « . » pour tâcherons de l’égalitarisme, d’un manichéisme affligeant. Comme s’il fallait partager le gâteau 🍰 d’une idéologie néoféministe en parts égales pour montrer à des adultes qu’on le fait, pour en faire étalage égalitaire. Le tout constituant une démonstration assez tâcheronne, si ce n’est insipide. Et terriblement infantilisante… Peut-être tout juste bonne à satisfaire le besoin communicant de bonne conscience autoproclamée d’institutions et de grandes entreprises. Même si l’écriture inclusive ne se réduit pas au point médian, objection qui fut formulée en début de débat.
Autre lien :
Pour une pluralité des marqueurs
La règle de proximité (avec le dernier nom) est bien belle :
« Tous les hommes et les femmes sont belles ».
Racine utilisait d’ailleurs l’accord de proximité, vers souvent cité :
« Surtout j’ai cru devoir aux larmes, aux prières
Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières ».
D’une simplicité biblique, dans la plus belle des langues françaises.
Même s’il s’en trouva pour dire que Racine ne pouvait témoigner que de son temps. Et qu’il faisait aussi des fautes de grammaire. Quelq’un répliqua que la langue était alors un terrain encore meuble aux règles d’usages mobiles. Est ce que cela à changé ? À quel point ?
Beatrice G
Christophe Riedel, aucune langue n atteint jamais son firmament. Sauf à mourir. Comme le grec ancien ou le latin et d autres…
Tant qu une civilisation perdure, sa langue évolue.
On verra bien quel usage verra le jour, né de cette querelle actuelle bien interessante.
John BB : Techniquement, le latin n’est pas une langue morte, c’est la langue de travail du Vatican – huhu…
Je blague, mais il y a encore des gens qui le parlent couramment, qui publient en latin, créent du lexique. L’usage l’emportera certainement, c’est l’une des seules règles. Mais il y a une autre règle, c’est que vouloir modifier brutalement une langue pour des raisons idéologiques, cela sent très mauvais (et ça contrevient à la règle de l’usage), il y a une littérature assez conséquente là-dessus.
Écrire « celles et ceux » c’est inclusif non ? Avant on appelait cela de la courtoisie (ce qui aujourd’hui est considéré comme sexiste je crois), c’est certainement plus long que de coller des points sur des noms de métiers, mais le français est verbeux, il n’y a pas spécialement de raisons d’en avoir honte.
Julie A
celles et ceux, c’est exactement ce à quoi je fais référence quand je dis qu’il y a d’autres façons de faire de l’écriture inclusive. Mais ceci étant, la règle « le masculin l’emporte sur le féminin » a été imposée pour des raisons purement idéologiques ouvertement misogynes. Il se pose aussi par exemple la question de l’accord de proximité (si le dernier nom d’une énumération est féminin, l’accord de l’adjectif est au féminin). C’est une faute en soi, mais en fait on se rend compte que c’est plus intuitif que la règle actuelle (en tout cas je trouve). Un autre aspect de la question par exemple c’est la féminisation des mots et notamment des professions. Certains aujourd’hui hurlent au scandale, mon dieu, écrivaine, que c’est laid. Eh bien il existait de nombreuses versions féminines autrefois qui ont été bannies pour des raisons idéologiques. Donc la poule, l’oeuf, les conservateurs, les progressistes… Une règle d’usage actuelle a très bien pu en fait être imposée violemment par idéologie autrefois.
Christophe R
Ce débat s’avèra riche et fluide, sans propos de trolls ou outrés
OOn en est, ma foi, enchanté…
En toute neutralité… autoproclamée
Monsieur Patate n’est plus genré
Hasbro annonce que les célèbres Mr et Mme Patate, jouets du film d’animation Pixar « Toy Story », ne seront plus genrés. Les deux corps de patate en plastique, auxquels les enfants pouvaient ajouter des parties du corps comme accessoires à leur guise, auront dorénavant un aspect plus inclusif. Un nouvelle commercialisation est prévue, le jouet s’appellera : « Famille patate ». Les papas et les mamans Patate encore sur le marché et dans les chambres des enfants ne seront pas retirés !https://www.opinion-internationale.com/2021/03/01/actufolies-cest-termine-pour-madame-et-monsieur-patate_86882.html
Jérôme
« Je faisais référence à ce paragraphe de l’article de Médiapart que vous nous avez proposé : « Dans telle entreprise, on emploiera les formes entières « auditeurs et auditrices » , dans telle autre les traits d’union ou le point médian ; dans telle institution publique, on se recommandera du guide du Haut Conseil à l’Égalité Femmes-Hommes, dans telle autre, d’un guide maison ; dans telle association, on utilisera le pronom iel , dans telle autre, ille. »
Au risque de me répéter, le langage en entreprise est souvent utilisé comme paravent, pour cacher la réalité, et cet article élude ce point, certainement par méconnaissance des auteurs de la vie en entreprise.
Croire que l’utilisation de l’écriture inclusive vous transforme en héraut du combat féministe est du même ressort que la conviction d’arrêter les pailles en plastiques à la cantine d’une usine pétrochimique donne un label écologique à cette usine… »
Sarah H (j’avoue un faible pour cette réponse, comme la précédente) :
« Personnellement, je ne me sens pas « dominée »par l’emploi du masculin pour désigner un pluriel mixte… ça m’est parfaitement équilatéral en fait… l’écriture inclusive est vraiment illisible, et il y a bien d’autres combats à mener pour l’égalité homme-femme que celui-ci… »
La conclusion provisoire
Car point trop n’en faut : on a déjà largué les zappeurs depuis (11)120 lignes.
Il s’agit d’un article pré- inclusif, transmis par Vincent, datant de la Préhistoire. Par le Père JF Revel, que d’aucun(e)s qualifieraient peut-être de réac. C’était en 1999 :
Le sexe des mots
Jean-François Revel commente la féminisation des mots :
« Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.
Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue,?une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes??
Absurde!
Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Goumont est une plume brillante». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.
Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française??». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.
Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes. »
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Cette chronique est présente dans le recueil d’éditoriaux Fin du siècle des ombres (1999, Fayard).