Au Nord et au Sud Laos
Sabaidii ! Bienvenue en ce pays rural a la faune riche (encore quelques centaines de tigres) parlant une des langues thaïes, comptant 8 millions d’âmes de 130 ethnies, 22 variétés de riz gluant. Le cinquième président depuis la Libération en 1975.
Le passé ? 500 kilos de bombes américaines par habitant car il était sur la route du Viet Kong. Un record mondial. Notre présent ici ? Deux minis croisières aux deux bouts des 909 kilomètres de Mékong laotien. Au Nord vers Luang Prabang. Puis au Sud, à Paksé. Embarquez, c’est pesé !
2 jours à bord du Luang Sai
Le capitaine Phuy navigue depuis 35 ans, nous descendrons ensemble 150 km de Mékong en 36 heures, de la frontière thaï franchie à Houay Xai jusqu’à Luang Prabang, la plus belle ville du pays, dont le coeur et les collines sont patrimoine UNESCO. Il ne dégustera pas avec nous le whisky de riz le second jour à 11 heures. Il sourira parfois de nos échanges phatiques, sans mots.
Flotte en bouche l’arrière gout du poisson vapeur au bouquet aromatique délicat, du poisson-chat à fine chair blanche. Servi en triangle de feuille de bananier des plantations aux abords. Le fleuve charrie une eau café au lait boueuse et de magnifiques rochers sculptés, immergés durant la mousson. Des canots « longues queues » puissamment motorisés au pilote casqué nous doublent en un instant. La jungle, les radeaux, les décors naturels du passé sont les motifs des dessins du temps colonial, légendés en français sur les murs en teck des banquettes de ce bateau cigarette. Me frappe cette « Entrevue avec des esclaves amanites » d’un missionnaire attentif, aussi barbu que les trentenaires d’aujourd’hui.
Nous visitons deux villages dans leur jus, dont celui de Hou Pha Lam, vraiment authentique : la preuve ? On ne vous y vend rien ! Les visages flegmatiques, comme ceux de sculptures millénaires. Leur gentillesse, douce immobilité discutante, regroupés sous les pilotis de leurs maisons. Les croyances animistes dans les esprits des terres hautes, les bouddhistes (60% du pays) sur les terres basses du pays. On contourne pudiquement des dames battant leur linge, se shampouinant en place publique. 85 familles. Depuis 2013, une femme fait partie des trois responsables : une progression appréciable.
Nous arrivons déjà à Pakbeng, à mi-chemin de notre parcours. Lodge Luang Say, surplombant le fleuve puissamment tranquille. On l’entend couler en nocturne dans les chalets de teck bardés d’osier du joli lodge
Le second jour, on s’arrête justement aux deux grottes de l’esprit de la rivière, devenues celle des 1000 Bouddhas dans 45 postures différentes Les laotiens les apportent le troisième jour du nouvel an (à la mi-avril). Le résultat est une accumulation en clair-obscur de toute beauté.
Voilà la belle Luang Prabang
Ville coloniale du protectorat français classée Unesco en 1995. C’est une péninsule aux innombrables temples, blottis entre fleuve et rivière. Au musée du Palais royal, dont les appartements fastueux témoignent du temps (jusqu’en 1975) où le roi choisissait chaque nuit l’une de ses 15 femmes (disposant de sa propre maison en ville) se trouve le fameux Bouddha d’or de Prabang offert par un roi khmer. Il parait que l’original est caché en lieu sûr à Vientiane. Il faut dire que les Thaïs l’avaient volé au XVIIIème siècle.
Il y a en cette cité matière à un charme fou, quasi-unique en Asie. En périphérie, un bâti composite oscille entre les années dix et soixante dix. J’y ai même trouvé un pavillon à la déco soixante très proche de celui de mes grands-parents !
Il y a le cachet colonial des demeures et hôtels le long du Mékong. Comme la Villa Luang Sai (a 4 kilomètres) et surtout le restaurant Caléo, superbe bâtiment remodelé : un ancien hôtel de 1904, le Doré, à l’architecture sino-portugaise pleine de panache, Espaces de réception au premier, peintures des sites que l’on vit en croisières. L’on y dîne en terrasse d’un très fin assortiment de plats laotiens et français. Des chips d’algues du Mékong, des cuisses de grenouille vapeur au basilic thaï nous tendent la perche. Qui, elle, vient du fleuve.
Gilles, cofondateur, rapporte l’avis d’un architecte français faisant ici autorité : pour respecter le cahier du charge du classement Unesco, les promoteurs ont tendance à faire du copié-collé de bâtisses à toits en pagode… sans nuance. Il y a un appréciable Par 72 près du Mékong : http://www.luangprabanggolfclub.net
On la joue jeune à l’Utopia dont les niveaux de terrasses musicales successives dominent la rivière. Une déroutante collection de motos pend du plafond à l’entrée. On y a passé le 31, avant de guincher au Moang Swa sur des airs laotiens sucrés comme les beignets coco du marché, près du quartier hmong. Des airs parfois bizarres comme la sauce aux lamelles de peau de buffle. On en voit d’ailleurs sécher en se promenant à l’arrière d’un temple, c’est odorant.
A l’aéroport, on retombe sur Constantin du Liechtenstein, l’un de nos compagnons de bateau, qui part vers la plaine des Jarres à Oudomxay : de mystérieuses urnes funéraires bimillénaires. Constantin est allé a vélo jusqu’aux chutes d’eau de Huang Song (70 km A\R).
On s’envole en ATR-72 de Lao Airlines vers Paksé, seconde ville du pays. Un tremplin pour une belle excursion. A la journée vers le Plateau des Bolaven et son café. L’obtention d’une IGP pour le robusta, poussant a 1000 mètres au lieu de 600 selon la norme, est en cours.
Il y a trois sublimes cascades et chutes d’eau sur le Mékong, dont l’une me rappelle celles du Rhin.
3 jours à bord du Vat Phou
De Paksé (où l’on passera au http://www.paksegolf.com/) après un café glaçé laotien au café Sinouk, lieu des rendez-vous chics en ville, nous partons à bord d’un 33 mètres qui convoyait du teck. Puis fut remodelé en élégant double pont par Jérôme, fondateur français de « Croisières du Mékong ».
On nous accueille dans douze cabines, pour 170 kilomètres de douce dérive, jusqu’aux 4000 îles, la où le fleuve se divise en multiples bras et innombrables ilôts au sud de Champassak.
Via les ruines du temple hindouiste préangkorien du Wat Phou, construit par les Chams, revu par les khmers, au pied d’un mont sacré à source d’eau précieuse et sommet en lingam (un cône phallique). Et son beau petit musée au parfum d’aventure.
Le lendemain, mini exploration sur la terre ferme (rouge et molle après la pluie) vers le mystérieux petit temple khmer de Oum Muong du neuvième siècle. Dédié au roi Ridani, onzième réincarnation du dieu Shiva. Abordé dans sa petite jungle, parmi des fromagers centenaires quasi pétrifiés, il semble inexploré. Comme sur notre bateau de Luang Prabang, on se rêve réincarné en Lajonquière, l’archéologue français qui le découvrit. Petites attentions fruitées en revenant à bord. Mais je rate le moment du cake à la banane !
On y prendrait goût, au fil et au lit de ce fleuve, le dixième du monde, (s’écoulant sur 909 kilomètres au Laos). Il s’élargira bientôt jusqu’à un kilomètre !
Abritant alors en son sein une île géante, des dauphins d’eau douce, hélas disparaissant.
Puis les chutes d’eaux de Khone Phapheng : une corniche de 20 mètres, large de… mille. Puissante ligne de séparation entre le haut et bas Mékong : deux histoires de navigation différentes.
Variés sont les arrêts villageois où les oies traversent la piste, des enfants souriant tendant des fleurs de frangipanier sans rien réclamer. Ce Laos au régime inamovible (où l’opium se cultive encore secrètement dans deux des onze provinces) permettra ensuite des extensions maritimes vers les pays voisins. En Thaïlande, on en fit de belles : on vous en parlera.
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