
Nous sommes sur la Costa Azul, la Côte Bleue, qui s’étend sur 180 km au sud de Lisbonne. A l’embouchure du Rio Sado vivent librement 25 grands dauphins de race rorqual auxquels nous rendons visite.
Vertigem Azul, vertige bleu en français, est une entreprise d’observation des dauphins dans leur habitat naturel : la baie de Setúbal. Pedro Narra et Marie-Joao, de formation scientifique, l’ont créée en 1998 car « ils n’avaient pas envie de travailler 8 heures par jour dans un bureau « … Plutôt sur un bateau !
Les promenades, qui durent 3 heures, avaient lieu sur un petit bateau semi-rigide. En 2007, un superbe catamaran a pris le relais. Et puis un autre encore, depuis…
« Il permet de multiplier les points de vue à la rencontre des dauphins, explique Maria-Joao. « on peut ainsi les voir passer sous les filets entre les 2 quilles du catamaran. »
A la rencontre des dauphins
On part au moteur du port de pêche sur une mer d’huile. Il ne faut pas parler à Pedro, qui est aux commandes, jusqu’à ce qu’il trouve des dauphins. Il ne vous répond même pas ! Jumelles aux yeux, il cherche en effet pendant environ une demi-heure. Parfois, on en voit rapidement, puisqu’ils sont résidents, qu’ils habitent sur place. Parfois, il faudra une heure ou deux pour en apercevoir. Nous sommes déjà bien engagés dans l’estuaire vers le début du fleuve
Tout d’un coup, le catamaran tourne, et Pedro s’exclame « Ils sont là, à gauche ! ». Et en effet, 4 dauphins sont devant nous, à 50 mètres. Noirs, massifs, ils pèsent 450 kilos. Et sautent hors de l’eau, légers comme des plumes ! Puis replongent aussitôt. Passent d’un côté à l’autre du vaisseau. Tout le monde (une quarantaine de passagers, dont 12 enfants) court pour suivre leur mouvement. Difficile de photographier autre chose que leur nageoire dorsale car ils sont rapides comme l’éclair. Pourtant, ils montrent aussi le bout de leur mâchoire et leurs yeux aussi attendrissants que ceux de bébés. Ils aiment jouer autour du bateau. Pourtant, « il ne faut pas les approcher de trop près : même s’ils semblent familiers, presque amicaux, ils sont bel et bien sauvages. Pas la peine de chercher à leur donner du poisson à manger, ils n’en veulent pas, et heureusement ! »
On continue en suivant pendant une demi-heure d’autres groupes de 4 à 6 individus venant tourner autour de nous en un merveilleux et insaisissable ballet, comme des danseurs indociles, libres comme l’eau dans laquelle ils baignent.
« On les connaît bien, poursuit Pedro. Nous les distinguons les uns des autres grâce au découpage de leur aileron dorsal. Eux reconnaissent nos bateaux, mais peut-être pas nous ».
Comment font-ils pour survivre dans des conditions pourtant difficiles, à cause des pollutions et du trafic maritime permanent ?
Les pollutions ont diminué car de nombreuses usines ont soit fermé soit amélioré la filtration de leurs rejets toxiques pour respecter les règles environnementales devenues plus exigeantes. Mais les cargos sont toujours là, les ferries verts comme d’étranges criquets des mers imaginaires passent toutes les demi-heures.
Pedro précise : « il y a 10 ans, 33 dauphins étaient là, ils ne sont plus que 25 aujourd’hui ». Selon lui, il n’y en aura plus dans 20 ans, tout comme ils ont disparu de l’estuaire du Tage, le grand fleuve de Lisbonne, à 50 kilomètres de Setubal et de l’estuaire du Sado.
La réserve naturelle du Sado a lancé en 2009 un programme de protection et d’étude des dauphins. Mais attention, il ne faudrait pas créer un stress supplémentaire pour les delphinidés !
De nombreux écoliers, collégiens et lycéens, 2000 chaque année, ont le privilège de faire des sorties bleues avec leurs professeurs de sciences naturelles, suivies d’ateliers pendant lesquels ils approfondissent leurs connaissances sur leurs compagnons d’un jour. On rêverait de retourner à l’école là-bas !
Christophe Riedel
Les règles d’observation
Elles sont très strictes car le bien-être et la conservation de l’espèce dépend de chacun. L’association Vertigem Azul respecte donc un code de conduite déontologique qui n’est pas toujours appliqué par les voiliers privés.
– Ne pas s’approcher trop près d’eux
– Ne pas chercher à les nourrir
– Rester au maximum rester une demi-heure près d’un groupe de dauphins.
Les dauphins du Sado : fiche d’identité
Ce mammifère de 3,5 mètres et 450 kilos, symbole de la réserve naturelle de l’estuaire du Sado et de la région de tourisme de la Côte Bleue portugaise, est drôlement appelé Dauphin à groz nez (Bottlenose Dolphin) ou à nez de bouteille. Les pêcheurs l’appellent ainsi car il mord leurs filets de pêche ! Il vit de 40 à 45 ans. Il est de couleur grise, presque noire côté dorsal. Les femelles donnent naissance à un seul petit tous les 3 à 4 ans. La population de 25 individus diminue hélas ces dernières années. Les menaces liées à leurs conditions de vie proviennent de la pollution, la pêche, les activités de loisir nautique, encore trop peu conscientes de la fragilité de cette communauté.
Pour en savoir plus, réserver ou bâtir un exposé en classe, consulter le site très documenté de l’association :
Tél. : . 00 351 265 238 000
E-mail: vertigemazul@mail.telepac.pt
(Y aller : Autoroute A2 Lisbonne Setubal)
Ailleurs : Ou voir des dauphins en Europe
Dans l’estuaire du Sado se trouve la seule population estuarienne résidente au Portugal. Il y en a très peu d’autres en Europe : une en Irlande, à Shannon estuary, sur la côte ouest. Une autre au nord-est de l’Ecosse, à Moryfarth. Par contre, hors estuaires, il y a d’autres populations non résidentes, le long de nombreuses côtes. entre autres, en Espagne, en Galicie (Ponte Vedras), à Tarifa et tout au long de la Méditerranée : En France, à Porquerolles, en Sardaigne, en Italie, à Madère ou aux Açores…

