En 2020, la Bouitte bascula dans L’Histoire en devenant une « Entreprise du Patrimoine Vivant ».
En 2018, après des modifications, la salle du restaurant triplement étoilé a gagné un bon tiers. Tout y est plus étendu, apuré. L’espace boisé du sol ponctué par deux colonnes antiques de temple grec est la scène ouverte du service. Un grand brio règne ici…
Deux veilleurs émérites tiennent la barre au passe-plat.
Maxime a rejoint son père René en 1996. Il a racheté en 2017 l’établissement de son père. Ils ont apparemment toujours la synergie quasi fraternelle de leur bonne – et heureuse – nature. Celle qui cache si bien la rigueur de l’effort pour parvenir – et se maintenir – au sommet.
La saga
Il était une fois un père, fils de paysans ayant créé un petit resto à raclette des cimes, en 1976.
Son fils, reconverti du biathlon (mais en ayant gardé l’esprit sprinteur, un sens du jeu vif sans culte de la performance) l’ayant rejoint en 1996.
Un fils et son père partageant tout au service de la même foi. En une cuisine surtout pas révolutionnaire. Savoyarde et darwinienne, peut-être.
Les procédés sont inventifs. Les racines, vraiment paysannes… D’où le classement en »Entreprise du Patrimoine Vivant »…
René Meilleur : » On a rien inventé en cuisine. On adapte, on transpose avec des textures nouvelles au XXIème siècle. Ce qui fait notre différence, aussi, c’est que nous nous sommes formés seuls dans cette vallée des Belleville sans aller cuisiner ailleurs. On s’est fait tous les deux. »
Maxime rattrape la balle au bond :
» Des clients disent parfois : on a jamais mangé cela ailleurs. Normal car c’est une cuisine qui nous est très propre. Les rissoles, par exemple. Ce que nous en avons fait est uniquement savoyard.
Ou la neige de chou-fleur, un plat de la carte hivernale : On amène la neige dans l’assiette des clients ! » Sans se torturer avec des choses compliquées. »
« Mais notre cuisine est taquine. »
On ne sait pas pourquoi, mais elle est comme ça. Elle ménage des surprises pour rompre la monotonie, de la première à la dernière cuillère. Sinon, on s’embête quand le goût ne change pas ! »
Démo : le pain des abeilles
Dans ce dessert au miel (qui nous rappelle un peu le goût du Puys d’amour du pâtissier Bourdaloue, rue Notre- Dame de Lorette, vers Montmartre) chaque cuillère est différente.
On est venu creuser à un moment dans la crème flanc aux oeufs, on a mixé ce qu’il y a à l’intérieur en ajoutant du citron. Le flan est entouré d’une cage (en résille) au pollen donnant de l’amertume. Vous ajoutez plus ou moins de miel, servi à part, à la cuillère : du coup, chaque bouchée devient différente…
À table !
Arrive en prélude un trio de beurres, dont un inspiré du rance d’antan ( 50/50 frais et cuit) des paysans. Un autre en boule garni de chèvre frais… Que je dévore.
Tout comme je dévore la bouchée de 🎏 glissée dans la pomme de terre… accompagnant un poisson. Elle a été creusée, puis garnie ainsi après la suggestion d’un client disant : une pomme de terre, comme ça, c’est un peu triste…
On est taquin. Mais on est pas délirant ou farfelu…
Car au-delà du gracieux, de l’esbroufe, il ya ce vrai plaisir gustatif : le fond, c’est que c’est bon ! Ils sont centrés sur un produit, et ajoutent des éléments.
C’est une drôle de transition. Ce qu’on a en bouche. Ce ce qu’on vous en raconte en vous le servant. On ne s’en douterait pas.
Un Théâtre culinaire qui marche car la représentation est juste. Comme si mon grand-père (le paysan portugais plutôt que le notaire poméranien) avait pu se souvenir de tout ce qu’il avait mangé petit et l’avait transformé, élevé au rang des Beaux-arts. Mais sans en faire un tableau… Ni tout un plat.
René, justement interrogé sur les dérives de la cuisine spectacle de certaines assiettes, aime citer Paul Bocuse ainsi :
« Les grands traits de sauce sont la marque des crétins ! «
René poursuit : » Si on veut faire beau pour beau , eh bien… on peint des tableaux : c’est autre chose. »
Ces petits plats tous simples du passé : des pommes de terre, du lard, du fromage fondu, on les transcende ici…
Un oeuf dur mangé sur le pouce dans une feuille de salade en rentrant du travail. Tout ce qui était si modeste est devenu grand de par sa modestie même.
» Il y a une histoire »
– Les paysans savoyards après le travail, mangeaient parfois sur le pouce un œuf dur dans une feuille de salade juste ceuillie. Maxime Meilleur, via son père René, d’origine paysanne, en restitue l’esprit dans un amuse-bouche en feuille de sucrine garnie de miettes d’oeuf brouillé ail doux…
Les fleurs, elles, sont sur chaque table. Pas comestibles, juste belles !
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René a opéré ce travail de funambule
Il l’a partagé avec Maxime. Les madeleines de Proust de cette saga des origines sont restituées par les passeurs d’anecdotes à table .
Cela s’inscrit peut-être dans un mouvement que j’appellerai volontiers :
Nouvelles mythologies de bouche de Chefs étoilés, des Meilleurs Ouvriers de France de métiers de bouche aussi.
Des artistes qui ont travaillé 15, 20 ans pour obtenir ce titre de MOF. Ou ces étoiles un peu compliquées, contraignantes…
Mais René et Maxime n’aiment pas pour autant les choses compliquées, les rodomontades complexes.
Comme notre entretien à bâtons rompus d’un soir, en cuisine (donc, loin de tout protocole) le raconte ici :
Leur ligne de partage
Est la ligne de partage des possibles montagnards, loin de tout cliché folklorique, c’est leur marque. Elle m’apparaît ainsi pendant une promenade :
Un pain de partage est servi en prélude, avec sur son haut bombé une Croix de Savoie. En diviseur d’un partage possible du pain à rompre en 4.
Il y a de belles nouveautés en plats aux côtés des valeurs établies, marquées d’un « M » sur la carte et énoncées par les serveurs, par exemple Romain.
Cette rare ambiance familiale bienveillante après dîner
Les Chefs viennent au petit salon-bar de la réception papoter avec les clients. Quand leurs confrères triplement étoilés partent après leur salut rituel dans l’arène au dessert… Pur plaisir d’échanger de toutes petites choses comme de belles idées, au delà du convenu.
Vraie curiosité candide du père comme du fils. René a 67 ans, il ne les fait pas. Sa Bouitte en a 42 depuis sa fondation dans un champ de pommes de terre, en 1976…
Un père, un fils : deux officiants
Deux artistes opérant depuis 22 ans aux fourneaux de l’une de nos Maisons préférées : La Bouitte. Ce chalet construit de main de René en 1976 dans un champ de pommes de terre, à 1502 mètres.
Plein de travaux pour l’embellir et l’étendre jusqu’à en faire un Relais et Châteaux. Peut-être le plus atypique qui soit. Qui tire son charme de cela. De ces petites imperfections, revendiquées, aussi.
6 frères et sœurs, une famille de paysans dont il a tiré les racines mémorielles pour sa cuisine. Avec virtuosité. Mais avec un esprit d’alchimiste bien éloigné de la lettre. Les menus surprise (3 à 8 plats) font la part belle à la surprise.
Nous sommes près de Courchevel…
Dans la vallée de Saint-Martin de Belleville, en hiver des clients arrivent en hélicoptère parfois. Nos 2 chefs sont affublés d’un nom de sportif dur à assumer à l’école : Meilleur. Une sacrée paire d’intuitifs, en expérimentation constante, comme leurs pairs.
Jamais passés par la case école de cuisine. Très rare, cela. Une réussite *** Michelin à l’école de la vie, due à la précision de René (aussi habile en menuisier qu’en maçon et Chef) autant qu’à leur sens de l’invention.
Une cuisine de partage…. des générations et de leur interactivité pere-fils
Quel plaisir de les revoir à leur apogée. Avant d’aller se promener au-dessus des chalets sur les Sentiers de l’Oratoire et du Pèlerin. Ce que répond une cliente croisée au petit-déjeuner à une question :
– « Comment fut vôtre dîner ? »
– C’est extraordinaire. Heureusement on va marcher pour se donner bonne conscience !
Au dessus du village de Saint-Marcel où presque toutes les maisons sont impeccables. 4 ans qu’on ne les avait vu…
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Atmosphères d’un hôtel de charme : Quinze chambres
Atmosphère de la chambre Célestine ( la grand-mère ?) madeleine de partage, tribulations d’un polochon Savoyard…
La piscinette du spa, vue de la salle du petit déjeuner :
La salle du petit-déjeuner de la Bouitte
Pour le petit rat des villes, le petit urbain que je fus, cette salle à banquettes et tables de 4 en alcoves est une résurgence de chalets. Ceux de mes colonies de vacances à la montagne. Un chalet qui aurait bifurqué au fil du temps sur le versant d’un bien être aussi précisément expressif que la cuisine de nos hôtes.
Parler de luxe semblerait trop clinquant. Cette Bouitte qui certes l’est, luxueuse, est avant tout une boîte pleine de souvenirs inventant un futur au passé gustatif régional.
Écoutez l’histoire d’un menu servi par Romain, ancien commis devenu serveur (puis maître d’hôtel en remplacement d’été) ici.
Un dîner, un menu
L’escalope de foie gras sur une galette de maïs
Le contenu dissimule pour mieux le révéler, un fondant, est exquise. C’est un plat emblématique depuis la première étoile.
René nous en livre l’astuce : » on y met un insert congelé qui assure le degré de liant nécessaire. Cela stabilise le fondant. il s’agit de résister un temps à la chaleur de l’escalope. » Et en bouche, c’est magique en effet.
Il raconte que le Chef Michel Bras (à Laguiole, sur le plateau de l’Aubrac, Aveyron) fait de même pour son fondant au chocolat : » Et c’est le meilleur que j’ai jamais goûté ! »
Un tendre agneau aux bourgeons et baies de cassis frais (sur de petits lits de salade) donné par des voisins aux Meilleur, selon une philosophie de troc et entraide, est la suite…
Nous sommes à 1502 mètres
Cette altitude a valu la création pour la Maison d’une eau de toilette « 1502 » tentant de restituer la palette de senteurs à cette altitude…
Cette Maison est un hôtel de vacances, une colonie du souvenir. Au lit aussi dodu et recouvert de fourrure que le gigantesque polochon siglé d’une vache, le logo de la Bouitte, dans la chambre Célestine qui fut mienne.
Sur fond de montagne découpant le ciel de sa fieffée force tranquille matinale, le polochon rend encore mieux. Je l’expose donc !
La force tranquille de la montagne. La plénitude qu’il y a à monter à pied entre deux repas…
Pulsion de vie, pulsion de jeu
Je sortirai bien le polochon de ma chambre Célestine pour une ultime bataille d’oreillers avec le personnel attentionné, mais cela ne se fait pas. Tout de même pas… Mais je suis sûr que le second de Maxime en cuisine, que je vois passer devant mon balcon, et qui est l’ami de la responsable du Spa, aurait pu s’y prêter. Mais cela ne se fait que dans les films. Je tournerai celui-ci un jour.
Faudra que je me refasse une petite montée à pied vers les cimes, eu égard a l’énorme Madeleine de partage de bienvenue que je viens de manger seul dans la Chambre Célestine.
Menu, suite : le pré-dessert, une fiole de cassis frais, le lendemain. Une autre, de fraise à l’ysope. Le fruit y est » travaillé comme une bière » (en mousse, au syphon).
En dessert « Le lait dans tous ses états » ( laque, mousse, confiture…), flanqué de meringue, est un régal. Bon, moi je ne mange presque plus de produits lactés. Sauf le fromage !
En tout cas, les Meilleur tirent toujours le meilleur de la nature. ils en en ont fait leur divinité alpine, les prémisses d’un culte du bien être.
Une marque aussi, la leur. Mais sans sacrilège : Puisqu’ils demeurent décemment authentiques. Car le risque est la : se perdre dans la sophistication de l’offre. Dans le marketing de soi. Ils y prennent garde.
La forme gracieuse, ok. Mais seul compte vraiment le fond. Enfin, rien n’est univoque, n’est-ce pas ? Leurs mets sont aussi sincères que Delphine, l’épouse de Maxime, qui aime servir les fromages sur un quadruple plateau circulaire. Parce qu’elle les connait bien et les aime tant. C’est son plaisir de partage. Elle qui les achète aussi.
Penser à leur repiquer l’idée du glaçon au citron dans l’eau digestive gazéifiée à l’annésie, une plante. C’est tout simple : mettez des zestes dans vos glaçons. un peu de pulpe si vous voulez… le tour est joué !
A midi, c’était de l’hysope dans un trou normand, en pré-dessert…
La séquence florale cosmétique : la gamme de produits de soin Meilleur
En utilisant principalement l’extrait d’épilobe, l’artisan parfumeur Valérie Mallens, de l’Asinerie des Alpes, a développé pour La Bouitte une ligne innovante et exclusive.
Utilisé depuis des siècles par les amérindiens pour ses propriétés calmantes, l’extrait d’épilobe favorise l’hydratation et apaise les peaux sensibles. L’épilobe pousse dans la vallée des Belleville jusqu’à 2500 mètres :
ses fleurs se présentent en grappe grimpante d’une couleur rose pourpre et magenta. Son extrait est riche en flavonoïdes, vitamine C, provitamines A. Ses propriétés sont multiples : matifiante et astringente mais également liftante et raffermissante. Bon, en tout cas, la crème sur ma peau était bien. Un parfum de crème, déjà un peu entêtant. Pas trop…
Bis : Et une histoire de menu servi … alléchante !
https://soundcloud.com/christophe-riedel/la-bouitte-i-romain-commis
MAJ été 2020
« Nous sommes heureux de vous informer que La Bouitte (« Petite Maison » en patois savoyard) à Saint Martin de Belleville a ouvert ses portes pour un été exceptionnellement élargi : jusqu’au 27 septembre 2020.
La promesse d’une parenthèse enchantée entre art de vivre et pleine nature aux portes de la Vanoise. Partager des moments éphémères laissant des souvenirs inoubliables, c’est le cœur de l’expérience rêvée par René et Maxime Meilleur, Chefs triplement étoilés au Guide Michelin. En été, quand alpages, forêts, lacs et rivières se révèlent dans une symphonie pastorale enivrante, leur répertoire culinaire est passionnant. «
Un dernier souvenir… Jusqu’au prochain
Tribulations d’un polochon de chambre… Unique en Relais et Châteaux. La cuisine de René et Maxime Meilleur, fraîcheur d’une enfance montagnarde jamais perdue.
Voilà qui tranche avec un monde du luxe souvent formaté.
Soyons légers : Bataille de polochons non inclue. Mais pourquoi pas ?
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