La Bastides de Gordes, sur fond de paysage toscan du Vaucluse, est un palace nourrissant un imaginaire fécond, très momentanément mien. On va (sa)voir pourquoi plus bas…
Elle gorge mon regard
Comme les premières cerises d’un début juin
En 2918 ou en 2018…
Hélas gorgées d’eau, les cerises
Car il a trop plu depuis un mois
On n’a jamais vu cela…
Cela passera !
L’homme des TGV (ainsi nommé car il prend tant et plus) pensa,
tandis que le soleil noyait le wagon
Sur la route d’Avignon
puis en van vers la Bastide de Gordes :
Je me nourris des reflets d’or solaires sur la moquette foulée par cent mille pieds du TGV
Je me nourris de l’accélération
Du bruit puissant de la motrice
De sa toute puissance électrique
( Nucléaire en l’occurrence)
Des conversations de peu entendues en commandant un crème à la voiture bar. Des cadres stressés parlant de cadres pressurisés à la voiture bar
Je me nourris de la lumière irradiant
Je me nourris distraitement de la vision de bouche ouverte de voyageuse endormie
Est-ce pour cela aussi que je fais mon demi tour de train à chaque fois ?
Je me nourris de ce foisonnement de peu
De la fluidité du mouvement
De la puissance des turbines
Une blonde irlandaise, visage enluminé le long d’une vitre
Une brune espagnole au profil tout droit sorti d’un tableau de Goya
Son 👃 aigu ou aquilin, son profil un peu aquilin
Est un don de plus procuré à mes yeux vivants
Je me nourris des 1500 tableaux et 4000 livres chinés (notamment à l’île sur la Sorgue) pour le supplément d’âme spatial de cette incroyable gentilhommière provençale. La Bastide de Gordes, pas le Tgv !
Cette bonbonnière anglaise en costumes provençaux qui alimente la matière d’un rêve.
Celui de la Vénus de Gordes ?
Il y a, outre le confort absolu des palaces, ses décors, ses attentions, 4000 livres de qualité disséminés.
Si l’on exclut les annales jurisprudentielles des Pancrèdes, fourbement reproduites ici à plusieurs exemplaires dans des couloirs : il s’agit de condensés de droit nécessaires à l’ordre du monde, donc plutôt indigestes.
Discrètement disséminés sur les 10 niveaux en espalier de la bâtisse principale, les livres irradient en chaque point de la Bastide. Je les lis tous en une nuit de rêve sans lune.
Je ne retiens ici que les auteurs de la Pléiade, dont une belle collection se trouve à la réception, de part et d’autre de José, concierge de la Bastide de Gordes.
Et un peu du tome 8 de la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, écrivain randonneur avant l’heure…
Il y a en a jusque dans les toilettes, des livres. C’est comme cela que c’est bon. Cela avait frappé un homme nommé Jacques, qui travaille ici à present.
Je me nourris d’Anne, guide connue à Lourmarin l’année dernière, qui nous guide et nourrit ici d’anecdotes en descendant le chemin superbe le long des roches de la paroi du millefeuille rocheux que Gordes est.
Les parois sont humides, dégoulinant au compte goutte ou à torrent par endroit. C’est très beau, cella rafraîchit le regard du promeneur.
Je me nourris de histoire de la Vénus de Gordes dont l’amant tua bien sûr le mari à Noël
Ils finirent tous deux à Cayenne, sans qu’on ait trace de leur fin de destinée
Celle d’un désir contrarié…
Je me nourris du crépuscule
Du Ventoux à gauche,
des Ocres du Roussillon, ce site si coloré
Où nous sommes allé dans l’une des 10 Deux-Chevaux de Florence, fondatrice de la société d’excursions 2 CV en Provence
Les ocres me furent servies sur un lit de ☁️
Comme une trace japonisante
De la sainte Baume
Vue plus loin, du côté varois
Mais elle n’est pas là… La sainte Baume.
Florence, si ! elle conduit sa Deux chevaux d’enthousiasme cheveux au vent, et nous fait faire une pause coquelicots dans un champ où ils fleurissent.
Elle nourrit mon imaginaire
Dans les champs de coquelicots
Comme les costumes provençaux du personnel
De la Bastide de Gordes,
insubmersible à force d’être attentionné
L’un de ces jeunes gens superbement modestes venant vérifier dans une descente de ce village en millefeuille rocheux calcaire qu’une cliente âgée s’en sortira bien…
Ou bien est-ce moi qu’il suit des yeux pour le même prix ?
Il est un personnage de film costumé historique
Je me nourris du regard attentif de Vanessa, thérapeute
Qui fut ce tout qu’elle pût pour ma voûte plantaire
En soin de réflexologie au Spa Sisley
Ce qu’elle lui fit, à ma voûte plantaire réveillant toutes les zones du corps continent d’un Riedel réparties sur chaque pied, fut doux et justement énergisant. Bienveillant en huile essentielle de lavande. La fleur de lavande commence à fleurir en ce début juin. Elle alimentera bientôt la carte postale saisonnière…
Je nourris mon nez du jasmin embaumant
les pourtours de la Terrasse de la Bastide en promontoire, sur 250 mètres.
Je me nourris de l’aube qui m’a refusé un second sommeil
Je repense à la villa Noailles de Hyères visitée fin mai. Encore un lieu t(r)op tentant !
À l’huile d’olive des Baux de Provence à table, un peu trop chic mais si belle parce que trop chic. Préférée car certains clients n’aiment pas trop l’amertume dans l’huile d’olive. Dommage, car l’amertume est une vertu gustative à redécouvrir. Cela s’éduque, un palais… Y compris dans un Palace ?
Au fait, il faut aller goûter celles du Clos des Jeannons, un Moulin à huile du village de Gordes, visité avec son propriétaire, un honnête homme, qui vous explique tout, comme ses guides. Allez-y !
Je repense au programme du « Côté détente à la bastide de Gordes » distribué chaque matin en chambre. Qui proposait ce jour-là un cours de Pilates avec le coach Patrick Fraychinaud à 10h au spa. Dix personnes suivront ce cours de Pilates…
Mais pas moi… préférant faire mes 12 longueurs syndicales (genre l’effort minimum) dans le couloir de nage sur la terrasse de 250 mètres
Préférant respirer le paysage en parcourant l’interminable terrasse herbacée et florale, parfumée presque comme le parfum Un jardin sur le Nil d’Hermès dans la salle de bains de la suite 312 (et des autres)
Préférant partir à vélo à l’abbaye de Sénanque
Pour l’avoir fait résonner en moi
6 kilomètres aller, autant de retour
Avant quelque nouveau départ
Après que les oiseaux m’aient fait déchanter de la nuit au petit matin…
Bon, là, pendant le tour en vélo, voici la sculpture en 8 de l’artiste Victor Vasarely à l’entrée de Gordes. Vasalery fut artiste au Château de Gordes, qui en a accueilli bien d’autres (encore un château magnifique, à peine moins que celui de Lourmarin, pas bien loin). Cétait au début des années soixante-dix, avant que la Fondation Vasarely à Aix soit créée… Encore un lieu à visiter, d’ailleurs !
Le bilan en bouche
Ce lieu trop tentant, la Bastide de Gordes, compte deux restaurants. Le Mas de Pierre, celui de Pierre Gagnaire est le gastronomique. La vaisselle dans des tons bleus est aussi magnifique que l’alchimie des mets (éventuellement en accord avec de fins vins ou des thés raffinés !).
L’autre Restaurant, sur la Terrasse embaumée, s’appelle justement L’Orangerie. Il est tenu par un jeune chef prometteur à la cuisine méditerranéenne bien croquante. En (sa)voir plus : La Bastide de Gordes
Feu du poète italien Gabriele D’Annunzio dans ma salle de bains.
« Notre condition est nomade. Les résidences permanentes sont une aberration de ce désir de changer, de poursuivre, d’être un autre ailleurs, toujours. » 200 chambres, 200 salles de bain, Valery Larbaud, 1927
Si ce désir permanent d’ailleurs a brûlé chez Larbaud, il ne cherchait pas seulement dans ses voyages l’exotisme ou le divertissement. Tentant toujours de se faire passer pour un natif des pays dans lesquels il se rendait, il a développé un cosmopolitisme qui caractérise son œuvre…
« 200 chambres 200 salles de bains » fut écrit au Palace Hôtel de Bussaco, non loin de Coimbra, au Portugal. En cette nuit d’insomnie, Valery Larbaud évoque le voyage, la vie d’hôtel et ses personnages, avec la particularité, ainsi que le souligne Alberto Manguel dans sa préface, de proposer…
« un livre de voyage à l’arrêt, où l’écrivain s’assied et observe tandis que le monde avance sous ses yeux comme un fleuve qui coule. »
Fils unique d’un père pharmacien propriétaire des sources de Vichy Saint-Yorre, décédé huit ans après sa naissance, Valery Larbaud (1881-1957) est élevé par sa mère. Rentier grâce à la fortune familiale, il effectue de longs voyages en Europe et fréquente de nombreuses stations thermales pour soigner sa santé fragile.
En 1911 paraît son premier roman, « Fermina Márquez », bientôt suivi de « A. O. Barnabooth ». Parlant l’allemand, l’italien, l’espagnol et l’anglais, il fait découvrir en France des auteurs tels que James Joyce, Samuel Butler, Walt Whitman, William Faulkner ou Jorge Luis Borges. En 1935, une hémorragie cérébrale le rend hémiplégique et aphasique, l’immobilisant dans un fauteuil durant les vingt-deux dernières années de sa vie. Ce qui n’est pas très juste… Et mérite de figurer dans mon texte sur
» Nos sorts le moins féconds «