Tu n’es pas d’ici !
Tu não es d’aqui ?
Cela, je l’ai entendu
toute une vie
Non, ne suis pas ici
ni d’ici
Ni d’ailleurs
Je suis de nulle part
Un nulle part
Pan européen
Je suis tout et surtout rien
Comme cette chèvre
Chouinant sur une colline
Croisée hier soir
A la croisée des chemins bagnolards du rond point des Olaias :
Rotunda das Olaias
Les dernières chèvres de la colline voisine de la mienne. Colline voisine de celle où domine cet appartement surgi de nulle part.
De 1974, de mes grands-parents. Ce balcon donnant au loin sur le Tage, sur le pont Vasco Da Gama surgi en 1997 sur le Tage pour la grande expo de Lisbonne.
Il y en avait tant, des chèvres errantes. Et des bidonvilles en contrebas, pleins de baraques où vivaient des gens comme la tante Christine, demi-soeur de mon grand-père, paraît-il, m’a dit la voisine, Barbara.
Remplacés par ces immeubles sociaux, les bidonvilles et baraquement, par des barres sociales pour barbares de banlieue, loin des centre-ville européens se vidant du petit peuple
Ici comme ailleurs.
Remplacée au fil du temps par une jeunette à casque MP3 en short, la demi-soeur du grand père,toute vêtue de noir, foulard sur tête compris.
Une de ces femmes-corneilles à cheveux blancs, si braves, si humbles, en voie de disparition.
Une voisine croisée hier se souvenait qu’elle venait dans l’appartement, elle y faisait le ménage aussi, je ‘en souviens.
Le ménage, oui. Cela ferait ricaner des Français, eu égard, en regard des clichés sur les Portugais. Ou sur les gens de L’Est, qui ont pris le relais aujourd’hui…
« Et puis, quand elle n’a plus eu qu’une jambe, elle n’est plus venue. »
… raconte cette dame en parlant de la tante Christinha de Picheleira (à ne pas confondre avec la tante Christinha, mère de José l’architecte, qui tenait une papeterie à Alcantara) avec ce fatalisme bonhomme si portugais.
Je suis revenu sur ses pas, sans trop savoir pourquoi.
Je fais restaurer l’appartement, fantôme depuis 15 ans. Impayé depuis tout autant.
Je ne parviens pas à l’abandonner. On me l’a pourtant conseillé. c’est un merdier.
Je n’y parviens pas à cause du balcon donnant sur le Tage au loin, pour le petit peuple en bas que j’aime, près du café, me regardant en chien de faïence, des gens sympathiques à l’usage. Pour eux, je suis l’etranger, l’intrus.
Je me débats pour sortir des problèmes de matériel désuet, de compteurs à remplacer, de canalisations fuyant, de maitre d’oeuvre et d’ouvrage du chantier fuyants, se renvoyant la balle sur mon dos.
Oublieux de la cabine de douche promise, oublieux du gaz promis comme énergie. Il n’y a plus le gaz, disent-ils. Dommage… tellement mieux de cuisiner au gaz.
Tu n’es pas d’ici ! Tu não es d’aqui ? Eou nao sou niguem. Eou vou para nihum lugar
Je vais/ne viens de nulle part et c’est bien ainsi.
Quand je parle dans leur langue à des Portugais, des Allemands, des Français, ils savent que je ne suis pas d’ici, de là.
Ils sentent que je le suis un peu pourtant. Cela passe par les yeux, par ces intonations et notions familières, lointainement communes.
Nuno, le marin à quai
du Trafaria
Nuno non plus n’est vraiment nulle part, pourtant il vient de là, Lisboa. Marin, Il est devenu le gardien d’un bateau qui ne circule plus.
Entièrement tapissé de liège, ce bateau qui représenta le Portugal à la Biennale d’art de Venise, en 2013. Les visiteurs le prenaient, il partait sur le Grand Canal.
4 ans plus tard, ll en a un peu marre d’être amarré sur le Tage, juste après Cais do Sodré, Nuno.
Son bateau l’an passé emmenait encore des touristes naviguer. Dans un cadre inhabituel, qu’on leur faisait visiter.
Celui du Ventre de la Baleine conçu en son sein par l’artiste Joana de Vasconcelos et son team artisan dans les flancs du bateau :
Le Trafaria Praia, restauré, qui faisait jadis la liaison d’une rive à l’autre. et encore l’année dernière
Le ventre du bateau est plein de pelotes de laine blanche et bleue et de lumières scintillantes, parfois obscures.
il est recouvert d’azulejos blanc et bleu représentant le Lisboa,vu du fleuve, d’aujourd’hui dans le style, selon la technique du XVIIième.
Nuno attend, Nuno attend à quai dans un bateau vide. Des passagers qui n’ont pas le droit d’entrer à bord. Donc, Nuno n’attend plus personne
Il est payé pour cela, il est le marinier fantôme. Il va discuter à quai, il prend des poses, adopte des postures sur Facebook pour marquer son temps, comme nous tous.
J’attends je ne sais quoi. Rien. Je ne suis pas payé comme Nuno pour cela.
Je paie pour cela. Il fait chaud à Lisboa, jour après jour d’un bleu identique, soleil qui tape sur la calebasse, parfois le vent le soir.
je convoque le vent et le temps pour un conciliabule. Un meeting…
Toujours, pour commençer le jour, je marche vers l’église da Graça. Pas,encore tout à fait infestée par le tourisme massif dont j’entends les,avions toutes les 3 minutes, le soir comme au petit matin.
Parfois je tourne à droite en montant. Vers la plus belle vue de la ville. Un autre angle encore, mieux que celui de Graça. Celui que procure la Dame du Mont.
En haut de la rue éponyme : rua da Seniora do Monte. Puis je descends par une ruelle à droite de la placette belvédère, après la statue de la Madone du mont.
Je ne vous dirai pas où, tas de touristes déferlant ! Vous googlerez cela plus vite que votre (n)ombre….
Je discute avec les deux ouvriers de mon petit chantier en revenant, dans la camionette de leur patron, d’Ikéa.
Où j’ai acheté je ne sais trop quoi, pas ce quil fallait, 4 bols et 6 lampes, quand il fallait faire le contraire.
Ils fument sans cesse des braises. Des braises de tabac consumant des yeux durcis par leur âcre et âpre existence. L’un est né rue Sao Bento, l’autre á Picheleira, treize jours après moi, un 24 octobre.
Ils vivent bien près de ce chez moi qui ne l’est pas. On en parle, de ce passé vaguement commun aussi. Ils savent d’où ils viennent, eux.
Moi, pas. Enfin si. Pourtant, non.
Ils puent, eux, ne se lavent pas assez, mais sont plus propres sur eux que bien des bourgeois rassis.
Ce texte sera un autre inachèvement.
J’aime faire semblant de demander mon chemin à des gens. Je cherche àentendre dans leurs yeux me répondant le son des rues à emprunter l’une après l’autre. Pour feindre de m’y perdre. Le premier qui sort son google maps a perdu. Je ne l’écoute plus. Il me prend pour un fou. Je,suis un fou du chemin soi-disant perdu. Ou vraiment.
Faux-semblant
En revenant au rbnb dans la clinique de soins açorienne, que je prolonge chaque nuit pour attendre que l’eau ne fuie plus par quatre tuyaux, que le courant électrique soit aux normes du moment, e n’entends plus la crise de démence matinale d’une pensionnaire, dieu merci invisible mise à l’ecart quelque part.
Les figues vertes, du jardin de la petite maison des Pères (Casa dos Padres) de l’ordre de Notre-Dame des Acores.
Où je dors encore pour une nuit avant de revenir dans la clinique de soins d’à coté, demain pour deux nuits encore, les dernières j’espère, sont presque mûres.
Je ne serai pas là quand elles le seront. Dommage. Mais je goûte leur verdeur. Pas mal déjà. Prometteuses, comme ces deux polonaises qui viennent d’arriver à minuit.
Elles sont a coté du canon espagnol aux jambes fuselèes quand elle monte l’escalier. J’avais vu ses soutien-gorge sècher.
Demain matin, je fairai ma gym devant le figuier, dans le jardin à droite, où sont stockés entre des reprises de romarin de vieux trônes de toilettes. En ayant vus, des vertes et des trop…
Avant la crise de l’Alzheimer anonyme, pendant qu’un ouvrier répare mes fuites et que je relave le débardeur que je porte tous les jours pour ne pas défaire ce bagage sans cesse mouvant.
Encore un texte trop long. Pas pré- mâché en petites crottes SEO pour un meilleur référencement naturel sur le web.
Un prétexte
Les Polonaises toutes neuves primo-arrivantes gloussent sans fin dans leur chambre. Excitation du voyage, de l’absence d’âge.
Leur bacon doublement gras le lendemain dans l’huile de la poèle, leurs oeufs durs á emporter. Ecoeurement en perspective.
Il faut bien que Pologne se passe. Je ne peux plus changer de chemin cette nuit.
Ceci est devenu mon pavé de bois recraché par la mer si proche, sur la plagette au droit de la Praça do Commercio, après Terrero du Paço d’où partent les navettes vers Caparica sur ĺ’autre rive. L’autre marge, en portugais. Beau, cela.
Na otra margem do rio Tejo…
Eou foi renovar o meo passado Picheleirense
A memoria urbana do bairro popular lisboense de Picheleira, depois de Alameda.
O Rui tem a gloria de lembrar se dos cavalos ao pé da penha de Picheleira…
Rui, qui connait Picheleira comme sa poche, a la gloire de se souvenir des chevaux qui parsemaient entre chèvres et chiens errants les collines de Penha de França, Picheleira, Beato, en descendant vers le Tejo et ses docks oú l’enseigne géante d’un Liddl de merde défigure la vue sur les grues et le fleuve oú coulera un peu de ma mémoire…
PS
La mer est un songe
J’y convoque le vent
je suis possédé par le don
si ce n’est Poséidon
pour qu’il lâche prise
Le vent puissant le soir
et le matin
striant d’ondes le Tejo au loin
Le vent dur du Nord
Ce Nordina
qu’on avait pas en août à Lisboa.
Encore la faute au changement ?
Mais lequel ?