Dans la famille villages perchés, artistes passés, bonnes tables et charme présent, on demande Mougins, une ville jardin de 20 000 âmes. Elle est taillée en escargot, vue du ciel, c’est un concentré de Dolce Vita. Tous les ingrédients y sont, gastronomie comprise, mais sans cars de touristes. Un atout notable…
On en jouit sans scrupules du Festival des étoiles, devant l’antre du Minotaure Picasso, à La Paloma, un deux étoiles Michelin. Mais on commence par le Mas Candille où l’on a dormi deux nuits.
Une ancienne oliveraie où Napoléon bivouaqua durant sa marche des Cent jours pour reprendre le pouvoir (couronnée d’insuccès, comme on sait). aujourd’hui, c’est un Relais & Châteaux ***** de 39 chambres. la nôtre donne sur la vallée, les cigales, les chaudes odeurs de l’été quand on ouvre la baie vitrée.
Près de l’olivier de 900 ans multi-troncs, on fait trempette dans le jacuzi donnant sur la vallée, après un massage des épaules, un soin visage et des conseils forme et beauté avisés au Spa Shisheido (Messieurs, il suffit d’oser en demander).
On mange un pain bagnat de Mougins… au homard (une invention du directeur de l’office de tourisme, en fait) en terrasse. Donnant sur la piscine de la Pergola, la seconde table du Mas Candille. Décor de piscine surgi d’un tableau de David Hockney. Sauf qu’on n’est pas à Los Angeles.
Plus loin, de l’autre côté de la terrasse, « sophistication de l’Asie et saveurs de Provence » sont au menu du restaurant étoilé Le Candille du jeune Chef David Chauvac. En entrée, un drôle de bagnat déstructuré, entre croquant légumier premier choix et anchois en lamelle de pain ondulante, artichaut violet breton.
Un pavé d’Angus tendre comme une promesse suit. En dessert, un parfait caviar citron, yuzu, en lamelles et émulsion. A se rouler dans les rizières, tant c’est bon, le yuzu est l’un de mes péchés mignons ! www.lemascandille.com
Mougins produisait du jasmin pour Grasse
A flanc de collines s’étendent aujourd’hui les jardins des propriétés. Il y a celle (modeste, et depuis les années 70) d’un président français normal qu’on a vu rouler à scooter rue du Cirque à Paris, qu’on a encore vu ici l’été dernier, flanqué de son actrice préférée. Le comique Franck Dubosc y est aussi, après Jean-Marie Bigeard, qui donna jadis une fête fameuse.
Avant, c’était Saint-Laurent, Christian Dior , qui faisait ici une vraie movida gratinée. Et un peu avant, Edith Piaf. On murmure qu’elle expira dans une maison amie, avant d’être ramenée dans sa maison de Grasse. son ami Jean Cocteau eut le temps de recevoir la nouvelle par télégramme, avant de disparaître d’un arrêt cardiaque ce soir-là, pendant une partie de cartes. Il y a de ces coups de destin !
Et de ces coups de golf !
Au très vallonné Royal Mougins Golf Club, à 10 minutes de Cannes (dont viennent bien des festivaliers au printemps pour être tranquilles). Ce parcours est un Par 71 de 6004 mètres, dessiné par Robert Von Hagge. Entre vallons et restanques, cascades et 8 plans d’eau, on dirait vraiment un jardin anglais. Le n°2, un Par 3 de 30 mètres de dénivelé, plonge sur un green cerné d’eau en embuscade.
Un séjour agréable aussi au quatre étoiles du Royal Mougins, grandes suites claires à vastes terrasses, un spa où l’on vous recommande les mains expertes d’Alexia. Et encore une jolie table : La Terrasse du 18, tenue par un Français le midi et un jeune Hollandais volant, le soir, formant une savoureuse alliance. Le Hollandais s’efforce de réinventer un peu la cuisine d’ici avec de bons résultats. www.royalmougins.fr
Antre et vie de Picasso
En haut d’une colline, l’adorable et si connue chapelle Notre-Dame-de-Vie, expose une série de photos de Picasso par Lucien Clergue : il est le fondateur arlésien des Rencontres d’Arles. Récemment disparu, il fut aussi l’ami d’Oscar Niemeyer. Dans l’atelier duquel, à Rio de Janeiro, j’avais vu, dominant son bureau, un long panoramique noir et blanc de corps « femme-plage-mer » signé Clergue. Oscar, l’architecte de Brasilia, aimait autant les femmes que Pablo P. !
L’Antre du Minotaure
Juste en-dessous se trouve l’Antre du Minotaure. C’est le nom du mas où Pablo Picasso fut très productif durant ses 12 dernières années. A tel point qu’on se servit dans ses cartons à dessins après lui : une affaire d’escroquerie connue. De son vivant, le maire lui fit des misères, refusant jusqu’à sa volonté d’être enterré en son jardin. S’il en avait été autrement, Picasso aurait certainement un musée à Mougins. A quoi ça tient…
Sa maison appartient à un marchand d’art néerlandais qui, l’ayant acheté 12 M€, en mit autant en travaux, préservant chaque détail de l’artiste (palette, mélanges de couleurs sur table, etc.). Il cherchait à vendre quand j’y étais, depuis, c’est fait (à lire à la fin)
Cet antre-maison, on la verra, enfin, on l’aperçoit en faisant une belle ballade à demander à l’OT : longer le canal jusqu’à l’étang de Fontmerle : 5 hectares de lotus en fleurs du plus bel effet au sein du grand parc de Valmasque.
En ville, 30 galeries et ateliers témoignent aussi de l’ancrage artistique dans de pittoresques venelles. Il y a de tout, dont l’estimable galerie nomade Sintitulo, qui a noué un partenariat avec le musée de la photographie André Villers, récemment disparu.
Jeune, en 1953 ci-dessus, André approcha et connut ce Pablo qu’on appelait le Fada (comme Le Corbu à Marseille), en devint un complice portraitiste. Il fut avant tout un photographe inspiré.
Un lieu à découvrir absolument
Créé en 1986, à deux pas de la porte Sarrazine à Mougins, suite à la donation du photographe André Villers, ce musée réunit entre autres, les clichés de précieux instants d’intimité de Pablo Picasso.
Le musée de la Photographie André Villers réunit une collection d’anciens appareils et accessoires photographiques. Une grande diversité de portraits de Picasso, vus par les plus grands photographes de l’époque contemporaine, s’expose sur ses cimaises : Robert Doisneau, David Douglas Duncan, Jacques-Henri Lartigue, Sanford Roth, Edward Quinn, Lucien Clergue, Denise Colomb, Raph Catti, et André Villers, qui a donné son nom au musée. Il est à l’origine du lien qui unit Pablo Picasso, Mougins et la photographie.
Le MACM : Musée d’Art Classique… et moderne de Mougins
On continue avec 800 pièces et oeuvres rares en ce mas ouvert par un jeune ex-trader anglais : Christian Levett. Tombé dans l’art sans avoir besoin d’un conseiller, il a bon goût et double regard : insertion, entre antiques sculptures et peintures anciennes, d’art moderne, via de pertinents rapprochements.
Un Calder tutoie ainsi un sarcophage, une Vénus d’Andy Warhol fait de l’œil à 3 de ses consoeurs bimillénaires. Un buste bleu d’Yves Klein, côtoie un tableau du fabuleux Hubert Robert (dit des Ruines). Non loin de plantureuses chairs d’un Rubens et d’un Braque dernière période, celle des oiseaux si proches de ceux d’un Matisse.
Somptueuse collection ! Et le ticket permet de revenir dans la journée. Bonne idée ! www.mouginsmusee.com
Roger Vergé, lui aussi Chef *** Michelin, est le Bocuse local
Sa récente mémoire subsiste en son ancien restaurant, le bel et bon Amandier tenu par deux chefs sur une terrasse à croquer, vue superbe sur la vallée, Grasse en contrebas, cours de cuisine en haut.
La Paloma **
On remet le couvert à La Paloma, un cadre comme à Courchevel. Une de ces réussites foudroyantes, comme celle du Festival gastronomique des Etoiles de Mougins, en juin. En 2014, Nicolas Decherchi, jeune chef formé chez les meilleurs, obtient sa première étoile, la seconde en 2016.
Visage rond, précision en cuisine. Où je rencontre ce souriant natif corse de L’ile-Rousse. Tout en faisant passer les plats qu’il regarde du coin de l’oeil, il livre ses mots clés: Audace, créativité, rigueur, innovation et identité (méditerranéenne).
Cela se sent dans l’assiette. Vue sur mer, coussins noirs, cristaux un rien bling bling, service impeccable, les îles du Lérins au loin, entre les plats, égayent l’oeil. www.restaurant-paloma-mougins.com
On passera aux Etoiles de Mougins, du 2 au 3 juin 2018. Le Festival accueille pour sa 13ème édition Philippe Etchebest, Chef étoilé et MOF à la tête du restaurant Le Quatrième Mur à Bordeaux. Un chef charismatique et médiatique pour ce Festival ouvert au Grand Public.

Crédit photo Cyril Bernard
Philippe Etchebest
Du Lycée Hôtelier à Meilleur Ouvrier de France
Philippe Etchebest est originaire du Sud-Ouest, plus précisément du Pays Basque. Il est installé à Bordeaux depuis 1978. La famille Etchebest tenait «Le Chipiron» restaurant spécialités Basques, quartier cours de l’Yser. Philippe Etchebest a fait ses études à Bordeaux au Lycée Hôtelier de Talence, puis est parti faire le tour de France des grandes maisons pour parfaire ses connaissances du métier. Après plusieurs expériences qui enrichissent son CV, il décide de retourner dans sa région. Première étape, en 1995 à Saint Emilion, au Château Grand Barrail où il prépare et obtient en 2000 le titre convoité de Meilleur Ouvrier de France.
2017 : L’invité du savoureux Festival gastronomique était Daniel Boulud (qui succède à Thierry Marx en 2016). Il est le Chef 3 étoiles du restaurant « Daniel » (un Relais et Châteaux new yorkais à Upper East Side). Il a fait, entre autre, ses premières armes auprès de Roger Vergé au Moulin de Mougins. La boucle est bouclée ! Et pas question de se serrer la ceinture.
On pourra toujours faire ensuite une retraite monastique de quelques jours avec les 22 moines de l’Abbaye de Lérins sur Saint-Honorat, l’une des deux îles de Lérins, à 10 minutes de bateau en face de Cannes. On en dit du bien. Par contre, ils refusent du monde : prévoir de s’inscrire longtemps à l’avance.
A force de les fréquenter peut-être, on se dit qu’il faudra renouveler la grammaire design des plats étoilés : barres, cylindres, jeunes pousses amputées, réductions puissantes, spirales de gouttes dans les assiettes… Cela n’est-il pas en train de rentrer dans le dictionnaire des idées visuelles dont on abuserait ?
Serait-on trop critique ? Qu’en pensez-vous ? Devrais-je faire une retraite monastique à l’abbaye de Lérins ?
Les mues de Notre-Dame- de-Vie, dernière demeure de Pablo
Notre-Dame- de-Vie à Mougins est connue pour être une des plus belles propriétés de la Côte d’Azur. La résidence, nouvellement restaurée sous la direction de l’architecte Axel Vervoordt, d’une superficie de 3,25 hectares est plantée d’oliviers de plus de 500 ans.
Picasso avait fait de cette propriété de 35 pièces son atelier de travail prolifique. Il y a vécu plus de 12 ans avec sa dernière femme Jacqueline et sa fille Catherine. Avant lui, cette maison a appartenu à la famille Guiness. Winston Churchill y a séjourné régulièrement pendant ses vacances d’été et y a peint un certain nombre de tableaux.
Elle vient d’être vendue pour un prix non communiqué à Rayo Withanage, financier, et amateur d’art Sri Lankais (Scepter Partners).
« Le nouveau propriétaire compte organiser différentes œuvres caritatives pour la promotion des arts, en collaboration avec des fondations locales et lors de soirées événementielles. Les sommes récoltées seront données à des causes qui prônent le développement durable en collaboration avec la Principauté de Monaco et la Ville de Mougins…
Photos: Mougins tourisme, Mas Candille, Royal Mougins, MACM, Musée PhotoVillers, David Douglas Duncan