Le pays de Grasse (une vingtaine de communes) a su passer de son artisanat fondateur, la tannerie, au Moyen-Age, à celui des gants parfumés à la Renaissance. Quand ce marché de niche cessa d’être porteur, le parfum et son industrie prirent le relais au XIXe siècle. Il s’est fait une spécialité du jasmin et de la rose. Depuis 2015, la ville organise l’été des siestes parfumées dans des Jardins Remarquables (c’est un label distinguant les plus beaux et mieux soignés) comme celui du Musée International de la Parfumerie de Grasse, qui vaut un beau détour.
Sa prodigieuse collection d’outils, explique autant qu’elle ressuscite « l’édifice immense du souvenir » (l’expression est de Proust). Un orgue, un festival olfactif que les parfums savent si bien créer(trop, parfois) du nez vers la peau jusqu’au Nez.
Organe qui désigne aussi le savoir-faire du parfumeur. Chaque marque a son ou ses « Nez« . En tout, il y en a 55 en France, m’apprit récemment une charmante guide russe au fil du parcours du nouveau musée Fragonard, à Paris.
Le Nez est spécialiste des alliances de senteurs savantes qui furent crées autour de Grasse, comme le fameux N °5 de Madame Chanel, « Eau Sauvage », dont j’ai longtemps usé. Ou encore « J’adore », toujours de Christian Dior.
J’appris aussi récemment que de nos jours, toutes les marques de parfum délèguent leurs créations à leurs sous-traitants spécialisés, les bureaux de parfums. Sauf Guerlain. Chanel viendrait de réinternaliser cette compétence.
Grasse, la story
L’Histoire de cette cité à flanc de colline de 55 000 habitants est liée à celle de la Provence depuis 1227. Ce qu’on sent bien dans les rues de la vieille ville, autour de l’Oppidum, cité fortifiée culminant à 350 mètres.
Tout autour, le pays de Grasse forme un ensemble de 20 villages perchés s’accrochant doucement entre cultures florales et collines couvertes d’oliviers ondulant jusqu’à la mer : Une carte postale empreinte de la douceur du climat de la Côte d’Azur. On y visite les usines des parfumeurs de Grasse : Fragonard, Galimard et Molinard.
Le Parfum : de l’industrie à la candidature Unesco
« Parfum et Arômes en Pays de Grasse » est le nom du Pole de compétitivité dédié à la filière de la région. C’est que le savoir-faire des producteurs grassois de fleurs à parfum (rose, jasmin et tubéreuse en particulier) est reconnu depuis 200 ans :
Ce bassin représente près de la moitié de l’activité française de la parfumerie et des arômes et 8 % de l’activité mondiale. Un réseau d’une soixantaine d’entreprises (qui ont généré un chiffre d’affaires de 1,5 milliards d’euros en 2013) emploie 3500 personnes aux alentours. Près de 10 000 Grassois vivraient aussi des emplois indirects induits.
Mais la production annuelle de plantes à parfums a dégringolé de 3000 à 170 tonnes en moins d’un siècle. La faute à la concurrence d’essences exotiques bon marché et aux progrès de la chimie !
La qualité remarquable des productions locales et la fidélité de grands noms de la parfumerie ont permis de sauver une partie de la culture traditionnelle : Grasse compte encore 7 producteurs de jasmin et 33 producteurs de rose Centifolia. Et puis il y a le mimosa, en fleurs en ce moment, si jaune et doux…
Les « Savoir-faire liés au Parfum en Pays de Grasse »
sont la prochaine candidature française sur la Liste UNESCO du Patrimoine Immatériel de L’Humanité 2017/2018. Bonne chance ! ils finiront par être classés…
Parmi les différentes techniques d’extraction inventées ici, l’enfleurage utilise la capacité d’absorption des odeurs par certaines graisses animales. Aujourd’hui abandonnée, c’était la méthode utilisée par un terrible tueur en série :
Jean-Baptiste Grenouille
Un terrible héros, devenu parfumeur par ce que son nez était si fin : capable de détecter l’odeur d’une jeune fille de prédilection, d’une lingette à la fleur d’oranger ou d’un saucisson au thym, à 10 kilomètres à la ronde. Dans le roman de Patrick Süskind qu’on a tous lu. Pas vous ?
Hâtez-vous ! Dans Le parfum (paru en 1985), JB « prélève» ainsi l’odeur du corps de 24 jeunes filles de Grasse, choisies pour leur innocence, leur fraîcheur suavement odorante. La base de son parfum parfait… de criminel parfait ! Ca fait froid dans le dos !
+ http://savoirfaireparfum.paysdegrasse.fr
Un évènement : Le 1er Festival des Jardins de la Côte d’Azur
Cyprès, oliviers, orangers, citronniers, roses, violettes, mimosas (que l’on fête en mars), plantes exotiques… La région est un paradis pour botanistes, paysagistes et amateurs de jardins. Les passionnés ont acclimaté de nombreuses plantes rapportées de leurs voyages et ainsi créé des jardins extraordinaires : botaniques, d’acclimatation, d’agrément, conservatoires de plantes à parfum, sur le littoral ou en petite montagne.
Pour faire fructifier ce patrimoine floral, le département des Alpes-Maritimes organise le Festival du 1er avril au 1er mai 2017. Thème ?
Le réveil des sens
Bien sûr ! Avec un concours aboutissant à la création de jardins éphémères de 200 m². A Cannes – Jardin de la Villa Rothschild ; A Menton – Jardin Biovès ; A Grasse – Place du Petit Puy et place de l’Evêché ; A Nice – Jardin Albert 1er. A Antibes- Juan-les-Pins, la Pinède Gould*…
Les projets ont été sélectionnés par un comité technique présidé par l’architecte-paysagiste Jean Mus, né à Grasse, qui a conçu un très beau jardin au Portugal, parmi tant d’autres :
« J’ai retenu les leçons d’amour du travail bien fait de mon père, chef-jardinier. J’ai été marqué dès mon enfance par le génie créateur de Ferdinand Bac, artiste-paysagiste qui concevait des jardins comme des décors de théâtre. »
* Flash back . Antibes-Juan-les-Pins, on y est si bien sur cette scène de concert, la Pinède Gould, face à la mer. Un beau festival de jazz y a lieu en juillet, face à la mer. La dernière édition 2016 fut interrompue par l’attentat de Nice, à quelques kilomètres. Il a hélas, on ne le sait que trop, freiné le tourisme depuis : Le Festival des jardins s’inscrit donc aussi dans un plan de relance touristique. Un langage de fleurs. Dommage qu’il ne dure pas jusqu’à l’été !
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La cuisine fleurie : Mangez-moi !
Le Chef Yves Terrillon crée des recettes originales en partenariat avec les domaines de plantes à parfum et les jardins du musée de la parfumerie. La violette en hiver, la rose au printemps, le jasmin en automne… A table !
Quels sont vos 3 accords fleur et plat préférés ?
La rose et la truffe noire sur le gras d’un fromage de chèvre frais
« Une rencontre inédite ou chacune des deux principales saveurs « puissantes » se différencie grâce à un dosage subtil. En premier, la truffe domine, puis la rose vient arrondir l’ensemble. Surprenant ! »
Le Safran et la verveine avec des agrumes
« Ma première impression a été de voyager dans « le passé lointain », comme ces recettes de livres de cuisine au Moyen-âge, où épices et fleurs étaient très souvent mélangées ! »
La violette et le foie gras poêlé de canard en croustillant :
« Très facile à réaliser. C’est le premier succès de ma cuisine fleurie ! »
Faut-il laver les fleurs ?
Non, elles sont trop fragiles. Et ne les achetez jamais chez le fleuriste ! il faut utiliser des fleurs sans traitement, cultivées pour être utilisées en alimentation, qu’on trouve chez certains primeurs : capucines, pensées, soucis, fleurs de bourrache …. On peut également utiliser des roses que l’on cultive, non-traitées. + http://www.crea-t-yvesculinaire.com
Photos : OT Grasse, MIP, Cuisine des fleurs, Christophe Riedel
Et voici en lecteure de chevet mon article, paru dans FDLM en 2017…