Découverte. La Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP )est une belle nébuleuse du huitième parisien, fort bien lotie : à l’Hôtel Salomon de Rothschild. Et rayonnant jusqu’à Nogent-sur-Marne. Ca c’est du contraste ! On savait un peu que la FNAGP soutient plein d’artistes (en direct et via ses partenariats, par exemple avec le Jeu de Paume pour sa programmation satellite de vidéos d’artistes).
Elle en soutient vraiment plein, en coulisses, peu connue, sauf du Milieu…
Récapitulons : La FNAGP a son siège à l’Hôtel Salomon de Rothschild, que légua vers 1922 à l’Etat la baronne Adèle, veuve de Salomon, mort fort jeune.
C’est aujourd’hui un bonheur que d’y venir travailler, surtout quand on a fréquenté jusqu’alors les bureaux de quelque austère Ministère. Bon, grand bien leur en fasse.
Nous sommes au 11 rue Berryer, dans le huitième arrondissement, la rue Balzac est derrière. Un lieu superbe, un peu figé, comme on l’imagine, de beaux salons en pagaille, proustiens en diable, cossus, miroirés et veloutés. Le tout fermé au public. Pour la bonne cause :
Les quelque 50 réceptions par an qui y ont lieu permettent d’assurer pour partie le fonctionnement de ladite FNAGP, et donc, aux côtés de l’Etat, etc, son soutien aux artistes ( par exemple le wilder than life et post-warholien Jean-Luc Verna, qui s’expose au MAC-VAL jusqu’à la mi février 2017, une réussite).
La location en salon de réception est assurée par VIParis (l’exploitant des salons de la Porte de Versailles ou d’autres). Ce sont des défiles, des évènements privés prestigieux, comme disent les plaquettes. Le prochain, lors de notre venue, était une soirée Saint-Laurent.
Pour ma part, j’y étais allé pour une autrichienne soirée de présentation touristique de Vienne. Et pour une marque de champagne, une autre fois. Sans être vraiment invité. Il y a de beaux jardins, l’été, dont on profita. Mais passons.
Tout y est fermé sauf…
Un joli petit Cabinet de Curiosités, incluant les habituelles babioles artistiques de haute volée, qui date du vivant de la baronne. Parfois ouvert au public, on veut le faire davantage, on verra. Ce qui n’est pas l’une des moindres (curiosités).
Une autre étant que ce lieu fût bâti à l’emplacement de l’ancienne maison de Balzac, que la baronne fit démolir. Mais deux portes en furent conservées dans l’actuelle rotonde Balzac à gauche du bâtiment, que la baronne prit soin de faire construire, en hommage à l’écrivain ainsi… Honoré.
Flashback savoureux :
Le 19 janvier 1882, pour faire face aux dettes contractées par sa fille et son gendre, Mme Hańska, veuve d’Honoré de Balzac, vendit à la baronne Adèle la petite maison que l’écrivain avait acquise rue Balzac, ancienne dépendance de la Folie Beaujon, pour la somme de 500 000 francs avec une clause prévoyant que l’entrée en jouissance n’interviendrait qu’un mois après sa mort. Elle décéda peu après, le 11 avril suivant. La presse releva alors l’état de délabrement de l’immeuble3 que la baronne Adèle fit raser en 1890 pour agrandir son jardin.
La baronne de Rothschild fit également l’acquisition, en novembre 1882, pour la somme de 370 100 francs5 de l’ancienne chapelle Saint-Nicolas dépendant de la Folie Beaujon, qui avait été acquise par le gendre de Mme Hańska, le comte Georges Mnizsech (1822–1881), et transformée par lui en un laboratoire où il se livrait à des expériences d’occultisme et de magie noire. On dit qu’épouvantée par ce qu’elle y trouva, elle en appela à l’exorciste de l’archidiocèse de Paris pour purifier le bâtiment. Devant les réticences du clergé catholique, elle le fit raser et fit construire à la place la rotonde qui se trouve aujourd’hui à l’angle de la rue Balzac et de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Des vestiges de l’ancienne chapelle furent inclus dans l’aménagement du parc. Amusant, non ?
Voici le logo de la FNAGP, le A des deux arts ainsi stylisé :
Récapitulons II (Accrochez vos ceintures)
La Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP) siège à l’Hôtel Salomon de Rothschild à Paris. Elle possède un site classé dédié à la création artistique et aux artistes, à Nogent-sur-Marne. Cela s’est fait via deux soeurs, les Smith Champion, dans les années quarante.
Cet ensemble comprend un parc de 10 hectares où subsistent deux demeures de plaisance des XVIIe et XVIIIe siècles, la Maison d’Art Bernard Anthonioz (MABA), centre d’art de la Fondation et la Maison Nationale des Artistes (MNA), sa maison de retraite comprenant 36 ateliers croquignolets ; la bibliothèque Smith-Lesouëf et son patrimoine secret (en cours de restauration extérieure, puis intérieure, jusqu’à fin 2017 en gros).
Sans oublier l’un des ensembles d’ateliers d’artistes de la Fondation, en contrebas du parc.
La FNAGP a donc ouvert en 2006 à Nogent-sur-Marne la Maison d’Art Bernard Anthonioz (MABA).
Centre d’art destiné à promouvoir et diffuser la création contemporaine et à encourager l’émergence de projets expérimentaux, pas loin des retraités de la Maison des Artistes, une jolie osmose, cela étant dit en passant.
Elle organise quatre expositions par an principalement autour de la photographie et du graphisme, « dans leurs modes d’expression les plus innovants, mais aussi en accueillant d’autres propositions plastiques qui interrogent l’histoire ou la mémoire, le territoire et l’environnement, ou encore la représentation cinématographique. »
La Maison d’Art Bernard Anthonioz, membre du réseau Tram Île-de-France, mène une politique active des publics et anime des manifestations autour des expositions qu’elle organise.
On y présente Aller et retour dans la chambre blanche, une exposition de photographies de Denis Roche (1937-2015). Artiste, photographe et écrivain très auto-fictionnel avant l’heure, mettant en scène inlassablement son regard sur lui-même, ainsi que sur une Françoise qui fut sienne. Ce travail m’inspire à la fois attachement, après une sorte d’agacement au premier abord (at first sight sonne mieux) du à un certain abus de la représentation de soi propre à notre époque, et auquel je néchappe pas, au demeurant.
Créateur et directeur (avant Bernard Comment) de la Collection Fiction & Cie, aux Editions du Seuil, que j’aime depuis ma belle Lurette adolescente. Parfois proche de Roland Barthes, à tout le moins dans les couloirs des Editions du Seuil. Livresquement aussi, me semble t’il.
La galeriste de l’estimable Denis Roche , croisée un dimanche au Salon- Paris-Photo, tenait à me démentir : il n’était pas un proche de Barthes, juste son contemporain. Barthes lui aurait dit qu’avec La chambre Claire, « il s’était peut-être un peu planté sur la photographie », confessant avoir fait via cette oeuvre
« avant tout un portrait de sa mère, non pas une définition de la photographie… »
Aller et retour dans la chambre blanche
Retour à la chambre blanche. L’exposition réunit un ensemble d’une cinquantaine de photographies dont certaines inédites, commentées de la main de l’artiste et issues du livre La disparition des Lucioles paru en 1982 aux Éditions de l’Étoile et réédité cette année, ainsi que d’autres, iconiques ou moins connues, mais qui relèvent toutes d’une même logique du déplacement. Du 9 novembre 2016 au 29 janvier 2017. Commissariat : Caroline Cournède.
Le nom de l’exposition : Aller et retour dans la chambre blanche, fait référence à un chapitre de La disparition des Lucioles.
Ce titre (alors que j’étais papillon commençant juste à effleurer l’existence du haut de la chrysalide de ses 17 ans ) m’avait marqué à sa sortie en 1982 : je ne l’ai jamais oublié, peut-être était-il dans la bibliothèque de ma mère, tout simplement. Il peut se lire de multiples façons :
il annonce cet enjeu du déplacement en insistant sur le « et » qui marque la dimension double du mouvement ; il introduit la question de l’intime ; il pose la question de la pratique photographique en réponse à La Chambre Claire de Roland Barthes, et il rapproche, dans cette idée de va-et-vient, les deux pratiques que Denis Roche fit siennes, celle de l’écriture et de la photographie, dans cet entre-deux, cet espace blanc où tout peut advenir, celui de la création artistique.
Denis Roche (1937-2015), photographe, écrivain, éditeur, est l’auteur d’une trentaine de livres. Son œuvre photographique a été publiée dans de nombreuses monographies. Après avoir été directeur littéraire aux Éditions Tchou de 1964 à 1970, il participe au comité directeur de la revue Tel quel dans les années 60 et entre, en 1971, aux Éditions du Seuil où il fonde en 1974 la collection de littérature contemporaine Fiction § Cie qu’il dirige jusqu’en 2004.
Avec Gilles Mora, Bernard Plossu et Claude Nori, il créé en 1980 Les Cahiers de la photographie et reçoit, en 1997, le grand prix de photographie de la Ville de Paris. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions, en France et à l’étranger, entre autres à la galerie Le Réverbère à Lyon, au musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, à la Maison Européenne de la Photographie à Paris en 2001. En 2015, une grande rétrospective lui fut consacrée au Pavillon Populaire de Montpellier, sous la direction de Gilles Mora. Denis Roche est représenté par la galerie Le Réverbère à Lyon depuis 1989.
Extrait de l’entretien entre Denis Roche et Régis Durand, L’aller-retour photographique p. 72/73, publié dans Denis Roche, Les Grands Entretiens d’Art Press. Paris, IMEC Éditeur, 2014 :
« Si j’essaie de définir rétrospectivement ce que j’ai fait, je constate que la première fois que j’ai publié des photographies, c’était dans Notre Antéfixe, en 1978. Il s’agissait de photos intimes spontanées – des autoportraits réalisés avec le déclencheur à retardement, par exemple – ce qui était absolument à l’opposé de ce que j’écrivais. C’est d’ailleurs pour cela que ces deux extrêmes se sont réunis dans Notre Antéfixe, en guise de paradoxe significatif. Et puis j’ai évolué.
Ce qui m’intéresse dans la photographie maintenant s’est joué à partir de quelques photos précises. Je n’ai jamais prémédité, pré-visualisé des images, mais il y en a quand même une que j’ai cherché à faire pendant dix ans, sans savoir exactement de quoi il s’agissait – une photo qui serait l’image, mon image de l’acte photographique. Car, au fond, ce qui m’intéresse dans la littérature, c’est d’écrire quelque chose qui serait un commentaire perpétuel de la création littéraire, qui ne raconterait que cela (ainsi des Dépôts de savoir & de techniques).
En photographie, c’est un peu plus difficile si on ne veut pas tomber dans une pratique purement conceptuelle. Je cherchais à faire une photo des pyramides, et puis, en voyant l’image dans le viseur, je me suis dit qu’il faudrait que je trouve le moyen de la prendre sans le sujet lui-même, sans les pyramides. J’ai essayé avec des artifices divers, jusqu’au jour où elle est enfin apparue et où j’ai compris que c’était elle. J’avais le sentiment d’avoir fait la photo de l’acte photographique, du mien, et que cette photo était arrivée parce que, pendant des années, j’avais essayé de la faire. »
La suite, si vous suivez toujours !
Dans une période où la spécialisation semble constituer un atout, la FNAGP a souhaité, au contraire, se pencher sur la plupart des aspects de la vie des artistes, leur « forme de vie » comme leur pratique créatrice. De la phase de conception et de production de leurs travaux à la diffusion de leurs œuvres, pour leur hébergement et même dans leur grand âge, la FNAGP s’efforce de les accompagner.
Ce soutien à toutes les étapes de la vie artistique qui s’exprime par une panoplie diversifiée et unique de moyens : mise à disposition d’ateliers, aide à la production, mécénat, travail de diffusion à la Maison d’Art Bernard Anthonioz.
Et accueil en maison de retraite, à la Maison Nationale des Artistes où s’est éteinte Marie Vassilieff. Ce qui fait que la récemment ouverte et touchante Villa Vassilieff, sise dans un passage d’ateliers d’artistes du Quatorzième, à l’ombre de la tour Montparnasse, est aussi partenaire; elle est gérée par le collectif Béton Salon.
Tout ces concours étant censés apporter à la Fondation une meilleure connaissance des besoins, des points sensibles et au final, donner une cohérence spécifique à son action dans le paysage actuel des arts plastiques. Ce qui, ma foi, me semble plutôt vrai.
Dans ses interventions, la FNAGP privilégie l’expérimentation, l’innovation, la recherche, les travaux au long cours, ceux qui comportent des risques ou qui demandent du temps. En apportant son soutien dès l’origine à la programmation Satellite du Jeu de Paume ou en créant fin 2011 son dispositif d’aide aux projets doté de 500 000 € annuels, ce sont ces axes qu’elle a retenus et qu’elle souhaite continuer à privilégier.
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PS : Je souhaite vivement, est il besoin de le préciser, qu’elle me soutienne aussi, artiste vivant que je suis. Ignorant de moi-même en tant que tel.
Artiste sans oeuvre, puisque je suis un apôtre de Bartleby. Hormis ce blog, ma vie en tant qu’oeuvre en une wildienne perspective et un compte instagram doté 4256 photos personnelles et oeuvres artistiques partagées. compte supprimé depuis qu’il fut piraté par des saletés de hackers russes il y a deux mois, ce qui me mortifia.
Auto-citation apocryphe :
Vanitas vanitatis, pousse-toi de là que je m’y hisse !
Encore faudrait-il le lui demander par un canal déférent. Et auparavant, condescendre de mon arbre misanthrope pour bâtir quelque oeuvre identifiable. Avec cursus mandarinal ou non, puis labelisation institutionnelle ad hoc.
Mmm, un chantier sacré de professionnel de la profession s’ouvre à moi…
A propos, voici la sélection :
COMMISSION MÉCÉNAT – AUTOMNE 2016
18 PROJETS AIDÉS
Fortement investie dans le soutien à la production d’œuvres, la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP) développe une politique volontariste de mécénat, notamment à travers l’important dispositif d’aide aux projets qu’elle a mis en place en décembre 2011.
Celui-ci, le plus important dispositif privé d’aide à la production en France actuellement, concerne les travaux d’artistes confirmés ou émergents, français ou étrangers qui développent un projet en France et vise à encourager la production d’œuvres ambitieuses, innovantes, expérimentales, ou nécessitant un temps de recherche ou de gestation significatif. Les aides sont attribuées après avis d’une commission, composée du président de la Fondation, Guillaume Cerutti, de deux représentants du ministère de la Culture et de la Communication (Direction générale de la création artistique et Inspection générale de la création artistique) et de quatre personnalités qualifiées, désignées pour deux ans par le Conseil d’administration de la Fondation qui sont, pour la période 2016/2017 : Caroline David, directrice de l’Institut français d’Izmir, ancienne directrice du FRAC Nord-Pas-de-Calais et commissaire d’exposition ; Esther Ferrer, artiste ; Sylvain Lizon, directeur de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy ; Miguel Magalhães, directeur adjoint de la Fondation Calouste Gulbenkian à Paris.
Lors de la commission de l’automne 2016, qui s’est tenue un 25 novembre, 18 nouveaux projets ont été retenus pour une enveloppe financière globale de 171 900 €. Depuis la création de ce dispositif, ce sont donc désormais 231 projets d’artistes qui auront été aidés, pour un montant total de plus de 3 M€.
Les 18 artistes et projets aidés :
Céline Ahond, Rester ici ou partir là-bas ?
Dominique Angel, In-situ
Ivan Argote, As Far as We Could Get
Julien Beneyton, L’Œil du Tigre
Alex Cecchetti, Arabesque
Sébastien Cordoleani, Matières à penser – LUTH
Anne-Marie Cornu, SOMSONS
Carole Douillard, Idir walking in an exagerated manner around the perimeter of a square
Véronique Ellena, L’obscure clarté
Lola Gonzàlez, Dawn
Aliocha Imhoff & Kantuta Quiros, Les Impatients
Tarik Kiswanson, You, Me, We Were So Many
Grégoire Korganow, Mon rêve familier
Les gens d’Uterpan (Franck Apertet & Anne Vigier), Bibliothèque
Christian Milovanoff, Travail dramaturgique autour du livre « Bureaux »
Soraya Rhofir, A Mad Museum
Scenocosme (Grégory Lasserre & Anaïs Den Anxt), Membranes
Marie Sommer, Watching the Watchers
Pour présenter un projet lors des commissions de 2017, les artistes peuvent envoyer un dossier :
– pour la commission du printemps 2017 : jusqu’au mercredi 22 février inclus, cachet de la poste faisant foi.
– pour la commission de l’automne 2017 : jusqu’au vendredi 8 septembre inclus, cachet de la poste faisant foi.