Illustre petite ville près de Lyon. Souvent confondue avec l’autrichienne, voire avec La Vienne (département, rivière). Pâtit longtemps d’un préjugé circulatoire : Son auto pont la desservait. Même si la circulation reste puissante en pourtour de Vienne, aujourd’hui, se plaît-on à dire : « c‘est dans les bouteilles qu’on met les bouchons !»
Et ça donne quoi ?
De jolis quais dominés par les collines à vigne en dégradé très graphique (sur lesquels on a une très belle vue en transparence de l’intérieur du musée gallo-romain). Un centre ville à l’insoupçonné cachet. Quelques rues tout à fait charmantes, médiévales avec des zestes de traces romaines, autour de la rue des Clercs. Un gros marché de qualité le samedi matin, genre le second de France. Un magnifique et immense Théâtre romain (plus grand que celui d’Orange) qui abrite le festival Jazz à Vienne en juillet. Et un Temple très bien conservé, aussi beau que celui de Nîmes, voire plus… Voyez plutôt mon article dans Où ? Magazine (automne hiver 2016
En rive droite du Rhône, le Musée gallo-romain Saint-Romain-en-Gal (conçu par le cabinet Chaix Morel en 1996) fait face à la ville sur colline. Déjà, on a l’impression de rentrer dans une base archéologique. En plus, il rend compte avec une scénographie intelligente des 2000 ans écoulés. Avec une vue exaltante – genre je suis chercheur quand je regarde – sur le grand site de fouilles aux alentours.
Belles collections archéologiques, mosaïques parfois bachiques (voir la mosaïque de Lycurgue, la fameuse statue Aphrodite, aussi le Dieu Océan). On sort par une rampe vers un quartier de la ville et une reconstitution de vignobles antiques, des pressoirs utilisés pendant les Vinalia fin septembre. Rien de poussiéreux : on s’y croit vraiment, encore plus pendant les journées gallo-romaines ! www.musees-gallo-romains.com
On y déguste des curiosités néo-romaines vendues à l’Emporium (la librairie, quoi) du musée : du Defrutum, un vin bouilli parfumé au thym, un In Dolio du Domaine Pierre Gaillard (associé à ces recherches). Puis un Mulsum, vin miellé qui résonne un peu comme un guignolet. Avant un Apiana oxydatif en diable, comme ces vins naturels en vogue. Avec des notes gustatives entre balsamique et jus de viande : Très inhabituel.
Résonances et dégustations
Quel chemin parcouru depuis les Romains ! Du côté de Vienne, entre vignes et ruines, dans cette région où il n’est pas rare de trouver amphores ou fragments de stèles en grattant son jardin, les chemins du patrimoine sont captivants : le superbe Théâtre antique et son Odéon, le temple d’Auguste et Livie, le plus grand musée lapidaire français, à la cathédrale Saint-Maurice. En médiéval, un beau cloitre (Saint-André-le-Bas) organisant des expositions originales, comme celle sur la pilosité en peinture : « Merci d’être velu » ! Et la Halle des Bouchers, devenue en 2014 un amusant centre d’art contemporain.
Entre Côte-Rôtie et Condrieu
Sur les 5 monts du poumon de Lyon, cultivés sur de raides coteaux, qu’on ne peut que vendanger à la main. En blanc et cépage viognier, le confidentiel et estimé Condrieu (105 hectares) prolonge le vignoble du fameux Côte-Rôtie, qui daterait du jardin des Allobroges. En syrah pur ou avec du viognier (20 % maximum). Phylloxera oblige, après-guerre il ne valait plus un clou. Il fut relancé dans les années soixante par Max Chapoutier et Guigal, les locomotives de l’appellation. Il y a des artisans haute couture sur micro- parcelle, comme le domaine de « Corps du Loup » et son manoir perché au-dessus des vignes.
2015 fut l’année la plus chaude enregistrée, 2016 pourrait remettre cela. Pour le Président de l’appellation, que donna la vendange ?
« Des raisins de cire, beaux comme une image, sans aucun grain scalpé par les abeilles. On s’est demandé : va t’on faire de la confiture ? Non, un rouge puissant, charnu, à climat californien, titrant 14,5 % d’alcool. Mais sans la lourdeur des vins du Nouveau Monde. ». A la bonne heure !
Près de là, Vitis Vienna, alias le Vin de Vienne, jadis produit en tonneaux de résineux, d’où son nom de « poissée », est relancé sur une autre colline : elle s’appelle Seyssuel. Qu’on n’ose pas prononcer en anglais : à l’export, une confusion sonore s’ensuivrait. On le baptisera peut-être Vitis Vienna, c’est encore un secret de Vienne : l’appellation verra le jour début 2016.
La Pyramide
Au carrefour de ce restaurant, une colonne pyramidale de 1800 ans, l’unique vestige, jadis le centre, du Cirque romain. Ben-Hur et autres gladiateurs y tournaient sur 450 mètres. Fernand Point, premier Chef *** Michelin, en 1933, qui forma Bocuse et Troisgros, y avait repris la table de son père jusqu’en 1958.
Patrick Henriroux prit le relais en 1989, il obtînt sa seconde étoile en 1992. Philippe Girardon, l’autre chef étoilé viennois (dont la table de Clairefontaine, à quelques kilomètres, est très appréciable) y venait à vélo pendant son apprentissage, dormant dans la chambre contiguë à celle de madame Point.
Revenons à Patrick
Son oncle lui a transmis le jus de la vocation, ses parents agriculteurs le goût des légumes « qui n’ont jamais vu le frigo ».Ceux qu’il nous fait découvrir, ici couronné par l’église, un beau samedi matin. Au marché de Vienne, le second de France : 6 kilomètres d’étals dans les rues autour du Temple d’Auguste et Livie.
Un peu plus petit que la Maison Carrée de Nîmes, il doit sa survie au fait d’avoir été transformé en église par les Chrétiens, entre autres mues.
Après un café devant le Temple, passons à table à la Pyramide ! Entre six plats – du travail d’orfèvre – et un chariot à fromages laqué noir (digne d’une console-platine de DJ) les textures s’apprécient, les langues se délient.
On confesse que l’omble chevalier fut une victime collatérale du réchauffement climatique : on ne peut plus le pêcher en lac (du Bourget, Léman, etc.) l’été car, à moins de 90 mètres, le pauvre a trop chaud. On doit se résigner à en prendre en bassin d’élevage… www.lapyramide.com
Fleurs bleues et jazz
On a acheté des fleurs bleues dont : « le bouquet est à prendre avec la même délicatesse qu’une une fille » précise le Chef, décidément très inspiré le matin, à son commis. Et de la gelée de verveine, qu’on dégustera avec des fromages bleus, comme il m’y invite.
Jazz gallo-viennois sur coteaux
Il faudra revenir en juillet, pour Jazz à Vienne, 19 jours durant. Le Off de cet important festival est disséminé en ville. Le plus gros du In est au Théâtre Antique, qui grimpe à flanc du Mont Pipet, abritant jusqu’à 7500 personnes en concert de pointe. Les spectacles offerts par les magistrats romains (pantomimes, chants, théâtre..) servaient surtout à leur réélection ! 1950 ans plus tard, on y a vu, entre autres pointures, la fille de Nina Simone, devenue chanteuse après avoir été… soldat US en Irak.
L’histoire ne dit pas si elle goûta la cuvée Jazz à Vienne, vendue au flambant neuf Pavillon du tourisme, qui joue les laboratoires inventifs avec ateliers au premier. Il vous accueille avec un drôle de mur : 900 bouteilles sur 10 mètres. On y reconnaît la Carte des vins du Rhône : les Vitis Vienna, Côte Rôtie, Saint-Joseph sur la rive droite, Crozet et Tain l’Ermitage, rive gauche. Cela donnera aussi bientôt un jeu de réalité augmentée conçu avec le CNRS…
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