Emil Nolde, peintre et aquarelliste né à Hansen en Allemagne, « est sans doute le représentant le plus flamboyant de l’expressionnisme allemand, bien qu’il n’aimait pas être qualifié d’expressionniste. » J’adore cet univers. Son expressionnisme aux couleurs qui pètent, parfois plus que de raison, est un constituant secret de l’infusion qu’il sut déployer dans ses toiles, parfois à la limite de l’abstraction pour ma plus revigorante joie. J’aime, je raffole de cette démesure. Parfois un brin trop expressive, d’accord.
Mais que nous importe de mourir, pourvu que ce soit à moto, les cheveux dans le vent ?
Comme BB le chanta pour feu Gainsbourg (dans En Harley-Davidson).
Peu connu, en son temps, à fortiori aujourd’hui, Nolde n’eut pas l’usage de grosses cylindrées à forte puissance symbolique. Il fut à mes yeux un porte-voix du puissant romantisme à l’Allemande (manchmal/parfois tourmenté), explorant une autre voie de la Nature. Comme des poses, des esquisses, des scénarios parfaits, harmonieux, si élégantes sceneries de son illustre prédécesseur : le merveilleux peintre Caspar David Friedrich, dont certaines visions semblent parfois montéees en bavaroise mousseuse par l’esprit d’un Louis II…
Caspar David Friedrich – Der Greifswalder Hafen / Schiffe im Hafen von Greifswald, circa 1818-1820
Né en 1867 et mort en 1956, » il faudra attendre 2008 pour qu’une exposition à Paris soit consacrée à Emil Nolde. Artiste inclassable, son art violent, où les couleurs se percutent, marque notre mémoire irrémédiablement. Une peinture empreinte de liberté et d’authenticité. » Ainsi parle Yoyo Maeght, historienne d’art, curatrice, critique, etc.
Emil Nolde représente aussi un intéressant cas d’école, En tant que victime de son temps, en l’occurrence celui des tarés nazis rances : Après-guerre, il lui fut reproché un temps de s’être compromis avec le régime nazi.
Qui, d’après ce que j’ai compris, n’ayant pas été témoin historique des faits (faute de pouvoir me mouvoir dans le temps, faute de cette subliminale capacité de téléportation startrekienne que je déplorerai jusqu’à mon dernier jour)avait cherché à l’utiliser come tant de ses contemporains artistes. Comme produit dérivé de l’image de marque idéologique nazie. Avant de le rejeter comme « artiste dégénéré. » ll n’a jamais été très compromis…
Qui n’est pas un instrument de son époque ? Qui n’est pas « sur joué » par sa formation historique ?
Oui, ne sommes-nous pas tous joués ne sommes-nous pas autant de jouets de notre temps, qui se se joue de nous qui cherchons à le déjouer ?
Mais ceci n’est pas un plaidoyer pro domo pour autant. Loin s’en faut…
Je glisse juste au passage que vivre et grandir entre 1930 et 45 (au lieu de vivre maintenant, par exemple, en train de gloser et de juger, de commenter, de jauger ou critiquer les deux petits pieds et la petite souris en main dans la bassine d’eau chaude du flux web sans fin), c’était nettement plus risqué, non ? A tant d’égards…
Pour quelques éclats et bribes (de Nolde) en plus
Je rapporte ici-bas tout le fil de conversation FB des amis de Yoyo Maeght, découvrant par son entremise (un samedi de janvier) la toile ci-dessous.

Toujours aux limites d’une abstraction avec une belle puissance colorée!!!Je ne me lasse pas de redécouvrir chaque fois ce grand peintre!
J’ai visité dans ma première jeunesse le musée qui lui est consacré à Seebüll, en Allemagne du nord : ce fut une expérience absolument inoubliable… je venais de la Suède et de la Norvège, où j’avais re/découvert Strindberg et Edward Munch et j’allais en Hollande, pour re/connaître Van Gogh et ses ancêtres. Merci pour cette belle « madeleine »…
BO : His Colours are very powerful, but sometime they are too much. Many of his paintings are thou absolute magnificante
Chef d’inculpation : Il se laissa instrumentaliser par le nazisme avant d’être rejeté comme « artiste dégénéré »… Ce qui m’amène à ce sujet pour bac philo : Qui n’est pas un instrument de son époque ? Qui n’est pas « sur joué » par sa formation historique ? Mais ceci n’est pas un plaidoyer pro domo pour autant.
CM : Il n’était pas nazi,il faut lire le magnifique livre de Siegfried Lenz : La leçon d’allemand
AB : Sublimissime
Enfance et formation
Fils de paysan du Schleswig, Emil Nolde pratique la sculpture ornementale avant de s’intéresser à la peinture. Il apprend le dessin à Karlsruhe, puis à Saint-Gall en Suisse où il enseigne cette matière jusqu’en1897. Il part alors compléter sa formation à Munich, à Dachau, puis à Paris, en 1899, où il est confronté aux peintures classiques du Louvre et où il fréquente l’Académie Julian. Il se partage ensuite entreCopenhague et Berlin et séjourne souvent dans l’île d’Alsen. Il épouse en 1902 Ada Vilstrup, rencontrée à Copenhague, de 12 ans sa cadette. Il découvre les tableaux de Vincent van Gogh et de Paul Gauguinà l’occasion d’expositions à Berlin et à Weimar, œuvres qui vont l’influencer profondément. Sa première toile connue date de 1895-1896 en Suisse (Géants de la montagne).
Carrière
Il commence à exposer dès 1906, notamment à Dresde où sa peinture à thématique campagnarde, avec un traitement des couleurs vives en pâte épaisse, enthousiasme les artistes du groupe Die Brücke (Le pont). Emil Nolde s’y inscrit à partir de 1906 sur une invitation de Karl Schmidt-Rottluff. La thématique de son œuvre est alors exclusivement florale et Nolde quitte le groupe fin 1907 pour des raisons de divergence d’opinion tout en conservant des liens d’amitié avec certains de ses membres.
À partir de 1905, il s’installe à Berlin, d’abord quelques mois par an, en hiver. La vie urbaine et nocturne lui inspire de nombreux tableaux. Il y rencontre en 1907 le peintre Edvard Munch. Sa notoriété grandit et il s’inscrit à la Sécession berlinoise. Nolde est assez mal à l’aise dans ce milieu : ses toiles sont, de plus, régulièrement refusées par les expositions de ce groupe. Avec d’autres artistes (dont ceux de Die Brücke), il crée alors en réaction la nouvelle Sécession, dont la première exposition a lieu en 1910. Il est alors exclu de la Sécession. Les thèmes de ses tableaux évoluent, il aborde des sujets religieux, employant la même technique de couleurs pures en aplats. Il peint notamment un retable en neuf parties en 1911–1912 sur la vie du Christ. Il peint également de nombreuses marines dont certaines sont à la limite de l’abstraction. Il se passionne pour l’art primitif : en 1913 il entreprend un long voyage qui commence par une traversée de la Sibérie en transsibérien et une visite du Japon, puis séjourne plusieurs mois dans des îles du Pacifique où il peint de nombreux croquis et aquarelles. Il en reprend les thèmes dans plusieurs tableaux faits à son retour en Europe. Il arrive que Nolde détruise certaines de ses toiles quand elles ne lui plaisent pas.
Il se retire au début de la première guerre mondiale dans un village près de son lieu de naissance, puis à Seebüll où il finira ses jours en 1956. À la suite du conflit, le nord du Schlesvig, dont son village natal, a été rattaché au Danemark, d’où le fait qu’il est désormais citoyen danois, mais Seebüll se trouve en Allemagne, et Nolde réagit aux événements en patriote allemand. Il retourne alors vers la peinture florale de sa jeunesse et les paysages.
En 1935, il adhère au parti nazi dans l’espoir d’être accepté par le régime. Il est défendu dans un premier temps par Goebbels, amateur d’expressionnisme et certaines de ses aquarelles décorent même son appartement1. Une salle lui est consacrée à la galerie nationale de Berlin. Cependant son art est critiqué par Alfred Rosenberg qui a les faveurs d’Hitler en matière culturelle, et, dès 1937, il est tenu en suspicion par le régime : le 23 août 1941Adolf Ziegler(de) lui enjoint de cesser de peindre, ce qu’il refuse de faire2. Nolde est alors expulsé de l’Académie des arts. Au cours de la campagne contre « l’Art dégénéré », un grand nombre de ses œuvres (1 052 exactement) exposées dans les musées allemands sont confisquées et certaines sont détruites sur ordre des nazis.
Il se retire alors à Seebüll et peint de très nombreuses aquarelles qu’il appelle ses « tableaux non-peints », en référence à l’interdiction d’exercer son art. Après la guerre, il reprend les grands formats et la peinture à huile, prenant comme modèles nombre de ses aquarelles des périodes troubles.
Paul Klee disait de lui « Nolde est bien plus que lié au sol, il est aussi un démon de ces régions. Où que l’on se trouve se manifeste en permanence ce parent choisi, ce cousin des profondeurs. »3
Son œuvre
- 1914 : Tropenwald, à la Kunsthalle de Bielefeld.
- 1921 : Granadaaquarelle4.
La partie la plus connue de son œuvre reste ses tableaux de style expressionniste. Ses thématiques sont variées, allant du religieux aux paysages. Quelques thèmes sont plus développés, comme la danse ou les masques.
Emil Nolde a également souvent peint à l’aquarelle où il mêle aux couleurs étendues d’eau de l’encre de Chine ou de la craie. Il utilise particulièrement ces techniques durant la Seconde Guerre mondiale où il peint plus de 1300 œuvres5.
Le peintre a eu une activité importante de gravure dont la lithographie. Ses premiers essais remontent à 1907. À partir de 1913, il peint directement sur la pierre, aboutissant aux œuvres les plus achevées. Il s’adonne également à l’eau-forte et à la gravure sur bois. Il n’a cependant guère poursuivi son œuvre gravée au-delà de 1926, même s’il existe une série de six planches datant de 1937. Une seule toile en France: Nature morte aux danseuses, 1914, au Musée national d’art moderne, centre Georges Pompidou.
Sa cote
* Nadja, un portrait expressionniste de 1919 a été vendu pour 2,15 millions d’euros. Ce tableau avait appartenu à l’éditeur allemand Ernst Rathenau qui l’avait laissé à Berlin au moment de sa fuite vers les États-Unis. Perdu en 1970, le tableau a été retrouvé fin 2006 dans un grenier.
Notes et références
- Antje Kramer, « Nolde sous le nazisme. Les tableaux non peints », dans Dossier de l’art, n° 155, 2008, p. 60-64
- Article de Philippe Dagen [archive]
- Joël Couve, « La force et son revers », dans Artension, n° 44, nov/dec 2008, p. 10.
- 35 × 48 cm. Berne, galerie Henze & Ketterer. Reproduction dans « Connaissance des arts », n° 668, février 2009, p. 110
- Antje Kramer, « L’œuvre graphique », Dossier de l’art, n°155, 2008, p. 66-72
Voir aussi
Bibliographie[Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Union List of Artist Names • Bibliothèque nationale de France •Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète • WorldCat
- Sylvain Amic (dir.), Emil Nolde, catalogue de l’exposition au Grand Palais du 25 septembre 2008 au 19 janvier 2009, RMN, 2008.
- Gabrielle Dufour-Kowalska, Emil Nolde, « L’expressionnisme devant Dieu », coll. L’esprit et les formes, dirigée par Liliane Brion-Guerry, Editions Klincksieck, Paris, 2007.
- Philippe Poindront, « Emil Nolde, le père des expressionnistes », dans Dossier de l’art, n° 126, p. 28-35.
- Lenz, Siegfried, La leçon d’allemand (roman inspiré par la vie de Nolde, traduit en français en 1970 par Bernard Kreiss, où Nolde apparait sous le nom de Max Ludwig Nansen).
- Duroy, Lionel, Échapper, roman inspiré de la vie d’Emil Nolde et du roman de Siegfried Lenz, La leçon d’allemand, Julliard 2015.
Liens externes
- Exposition “Emil Nolde – (1867-1956)” : Galeries nationales, Grand Palais, à Paris, 25 septembre 2008 au 19 janvier 2009
- Exposition au Musée Frieder Burda (Baden-Baden) « La splendeur des couleurs » du 15 juin au 13 octobre 2013.
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en bonus caché, prière d’insérer ici :
Mon coeur
Baccarat mauve
servi sur lampe glaçon Ikea, cru 99
A plus tard…
Je ne crois pas qu’on puisse dire que Nolde a été instrumentalisé par le nazisme! Il a adhéré en pleine connaissance de cause, pensant y trouver quelque avantage ou simplement être laissé en paix pour créer.. Ne serait-ce pas lui qui aurait tenté d’instrumentaliser le nazisme? Mais à ce jeu il ne pouvait que perdre.
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Nolde et le nazisme
pour en parler il faudrait être irréprochable au niveau de sa vie personnelle.
que notre cher blogueur fasse son examen de conscience! Il sait ce que j’évoque!
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Pour le coup, je ne saurais que me reprocher. Si ce n’est ma demi-germanité, vaguement expiatoire si l’on veut ? Et expiée par le pauvre Steffan Zweig.
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Nolde n’avait pas l’esprit nazi. Son oeuvre n’en subi pas l’influence. Il a vécu, seul et étrange, son chemin. Son attitude envers les indigènes lors de ses voyages montre qu’il n’était pas raciste.
Paul Klee, exilé en Suisse par les Nazis, a gardé contact avec lui jusqu’à sa mort en 1940.
Ce ne sont que des signes. Oui, à 70 ans, il a voulu être reconnu. Il a commis une faute lourde.
On en veut moins à Karajan !
Cela reste un grand artiste notre Hansen- Nolde !
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Oui, votre mise au point, ou additif, me va très bien. Il fut en effet juste flottant au gré des circonstances funestes qui, malgré lui, furent siennes. A un moment, c’était les sbires nazis, hélas. Pour Foujita, ce fut le Japon fasciste où il retourna pendant la guerre. Mal lui en prit, puisqu’il y fut rejeté après-guerre.
Charlotte Perriand, invitée au Japon alors, ne déclina pas l’offre non plus et y créa. Ce qu’on peut juger… spécial.
Quand à Karajan, récemment disparu, c’est peut-être vrai qu’on lui pardonna plus aisément. Un maestro…
Nous sommes toujours le produit de notre formation historique, ajoutait mon cher maître, Gilles Deleuze….
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