Où tu vas ?Disais je dans les gares en tendant le micro à des particules en partance ou en instance, Passagers de l’instant, partant, revenants, figurants de leur propre rôles.
Vers tous les voyages à la fois.
La foule, la houle des gens suspendus au panneaux d’affichage de l’instant décisif, c’était moi. Les marées humaines des arrivées en gare de vacances s(c)olaires, c’était moi.
Passager de l’instant
La somme de ces courts entretiens avec 8010 voyageurs et mon vieux magnéto à bande magnétique (car j’en ai marre de produire du fichier numérique au kilomètre, à classer sans penser ) s’additionne en somme dans ma tête comme l’ébauche d’une poétique du départ sur rails tgvéens.
En 8 ans, ce moi transitoire
Toujours sur le départ (qui a le bonheur d’être le mien) aura interrogé 800 voyageurs en partance imminente. En 10, 1000. Et essuyé un taux d’échec dix fois supérieur. C’était plein de petits bonheurs, plein de refus, c’était ingrat, ardu, diffus.
Quand l’industrie du transport ferroviaire rejoint mon Pessoa incantatoire préféré, comment s’en plaindre ?
J’ai tenté de me démultiplier avec mon matériel de photographe amateur vers toutes les gares de France et de Navarre, Pau faisant foi, au fil de mes propres voyages. On m’a recentré vers les gares majeurs des abysses intermodaux de la capitale…
J’ai tenté d’embrasser les causes anonymes de tous les voyageurs de France partentant quelque part, avec un semblant d’art.
J’ai été et serai tous les voyageurs simultanément, cela n’est pas près de s’arrêter. Rien ne viendra briser cette trajectoire, surtout pas le néant des manants. Je serai l’accumulation traçable de tous les déplacements humains des 100 236 ans à venir. Cela étant dit sans me vanter.
Le vent s’engouffrera aussi en moi depuis la belle Lurette dormant sur sa couchette, entrevue au petit matin dans un train italien, tandis que je tentais de lui vendre un café.
Car j’ai aussi vendu des boissons/sandwichs en traînant une carriole dans des trains -couchette et Co/rail. un Travail d’étudiant, pendant les vacances scolaires et weekends, pour la Compagnie des Wagons-lit. Je devais à l’origine devenir couchettiste mais ne m’étais pas réveillé le second matin du stage. Un ratage mauvais genre. Le DRH me reconvertit donc (bien malgré moi) vers la vente de services annexes.
Je devins ainsi expert dans le passage de carriole bien chargée de boissons et sandwichs, biscuits, Toblerone, d’un wagon à l’autre, dans le vibrato, le roulis des rails, l’odeur d’huile des essieux, le souffle fétide des portes-soufflets entre deux wagons.
Et bien sûr dans le transfert de glacières que je chargeais et déchargeais tout seul dans les trains vers mon compartiment privé de vendeur, la carboglace pour respecter la chaîne du froid, qui brûlait les mains. Les nuits en province après les arrivées de train avant de remonter Haut-le-pied, l’expression pour dire sans travail, au retour le lendemain vers Paris.
Les belles entraperçues dans l’odorante sueur de leurs nuits passées dans ces compartiments couchette dont je devais bien ouvrir (en les faisant coulisser) les portes. Pour les allécher (pas les portes) de l’odeur chaude du café, de la fraîcheur des mes jus d’orange, de la promesse furtive et commerciale d’un thé trop cher mais tentant ou de quelque cocorangina glacé.
Mais revenons aux témoignages de mes voyageurs en gare pour TGV Mag. 20 minutes avant le départ du train,ce petit théâtre hâtif du départ. Celui de ces ces gens agis, vous disant : Non, je n’ai pas le temps, je dois prendre mon train. Cela me suffirare : le risque de tout cela étant d’être un peu répétitif, bien sûr.
A votre avis, quelqu’un m’a t’il dit :
« Je ne veux pas être un gisant aux trains ratés du vivant » ?
Je dois être mon train, je dois fusionner, me fondre dans la lignée avion de mon déplacement, de l’avion stupide et sublime coucou de mes rendez-vous. Mon doudou numérique, (abusivement qualifié de téléphone intelligent parfois, mais l’étant aussi), toujours à portée de main : c’est lui qui me fait office de conscience
Non je n’ai pas le temps, me disait-on, prétexte souvent à s’échapper de ma sollicitation.
Je suis le temps. Je n’ai plus le temps infus.
Avouons que j’aimais en grande partie interroger tous ces gens, que je digérai d’être éconduit par tant d’autres ne désirant pas poser pour se voir ensuite et être reconnus par leurs proches dans TGV Magazine. Avouons qu’en en sens, cela me manquera. Mais je le referai pour d’autres déplacements. Il y aura d’autres portraits de voyageurs, insuffisamment payés, d’ailleurs. Bien sûr.
Le voyage n’est qu’en partie mon amant, mais les femmes prenant le train furent autant de maîtresses en germe. putatives, donc. Virtuelles serait plus élégants. Jamais hâtives.
Les trajectoires sont mes maîtresses. Sensuelles, vides de sens.
Ne (me) menant nulle p/art
Où tu vas ? Trajectoires Quais de gare Regards Rendez-Vous Temps absent Départs Arrivées Horloges Muettes Retards Train Bleu
Je me souviens de cette femme ayant peut-être échappé à l’attentat en Norvège (celui de la bombe dans des bureaux avant la tuerie à l’Université d’été des jeunes socialistes norvégiens) car elle avait pris ses vacances dans une maison amie dans le Luberon au bon moment.
Son bureau était à l’étage en dessous de celui de l’explosion. Ce témoignage glané fut coupé par un SR pieux. Ou trop long pour être conservé. Je n’avais que trois lignes ou deux ou une : c’était la dictature de la maquette : grosse photos, petits textes. Car les gens ne lisent plus, mon bon monsieur… La maquette des magazines, ce Centaure prompt aux formatages réducteurs. Vous savez…
Je devais faire trop court, comme ce temps qui s’échappe, quoi qu’avec tact. Je vous laisse, je suis en retard sur l’arrivée de ma naissance ! Mon trépas arrive en gare, ma renaissance se prépare, je n’ai plus le temps, laissez-moi, revenez !
Une autre fois, tout à l’heure !
Je me souviens de mon vieux miroir sans t(r)ain d’enfance, comme un jouet trop long et si beau dans le long : tant d’heures de voyages de Paris vers Lisbonne (27) dans le SudExpress. Via Hendaye, avec changement de voies et d’essieux en Espagne, qu’on traversait pour atteindre au petit matin l’odeur de la montagne portugaise déjà teintée de thym ou de romarin ou de dieu sait quoi encore, entre les jambons et les odeurs de chaussettes et de chorizos des nuits en trains couchettes bourrées de Portugais rentrent au pays pour les congés payés.
Le Sud Express, Le Paris Lisboa : 25 heures (ou 27 avec retard). Ìl partait de Paris Austerlitz à 9 heures pour arriver le lendemain matin à Lisbonne à 10 ou 12 heures, selon l’humeur du capitaine retard ou de madame ponctualité. Mon texte dédié au Portugal au petit matin et autres catastrophes ferroviaires vous en dira plus.
Des fois, je vous dis pas, je me sens redevenir Pessoa. Celui qui fait partie de Moi. Quoi que n’étant personne. Plein de mon être comme un train à prendre et un rien à s’éprendre.
Plénitude de tous ces moi en vrac, aux trajectoire éparses en gares. Tous sont en moi. Je suis tous les voyages à la fois. Avec art, baisers fougueux de toutes les trajectoires.
PS : Ce magazine cessa d’exister au crépuscule de l’été 2016 ou un an avant. A l’automne, il renaitrait sous une nouvelle forme éditoriale, comme dirait la nouvelle agence. Et dans 10, 100 ans, sous une nouvelle nouvelle forme éditoriale intégrée par implant virtuel dans le vaste déplacement wifi des ondes des mondes.
Passager du tentant
La somme des mondes fait sa ronde dans mes veines en gare. J’étais pressé, comme tout être. J’étais lent comme le temps courbe se distordant dans les tous noirs. J’étais comme tout un chacun, heureux et chagrin, oublieux, passager de l’instant.
Instantané. Ca m’est égal, cela m’est Légo. Jeux de constuctions de trajectires. Jeux de miroirs de tous nos rendez-vous. S’y rend on jamais à temps ?
J’ai entendu que Lego allait se mettre à un matériau respectable. Ce n’estpas trop tôt.
Je suis partout. Nulle part. Avec art et tact, savoir-faire et dire composite.
Polymère de tous les instants donnés… Sans centre, partout à la foi du désir d’instant, de la jouissance d’exister.
Je suis la gare de l’Est de tous mes déplacements vers le sud. Je suis l’hagard de l’Est matinée de tous les Sud. De tous mes Sud.
Et vice Versa de tous les desiderata, contrarieto.
Ce que j’ai pu dire, dirai et lirai de vous et moi n’engage que moi. Propos qui n’engagent et ne dégagent que leur auteur. Faisant foi.
En partance quai numéro 3. Le Mardi 23 avec Arthur H et son père Jacques. Jacques a dit. Je dirai tous les dires que je n’aurai su taire. A Terre. Atterré, atterrant parfois.
Par foi. N’altérant rien, ce qui ne gâche rien, de toutes les constructions et départs mûrement hâtifs qui furent et seront en moi. En ce moi.
Je mangerai des mûres dans vos trains. De vous à moi. En vérité, je vous le dis, je suis la framboise des voyages, leurs sensations tissées sont la somme de mes personnalités oubliées à venir.
Entendant les annonces sonores des départs imminents, bien à l’avance, bien avant nos naissances.
Tiens, le soleil revient.
En partance vers nulle part, en 78 tours
dans la cacophonie policée des halls de gare
le brouhaha des départs.
Avec Edith Piaf, peut-être aussi…
Sur elle en
tout cas
j’écrivis
ceci :
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(We are) On the road to No Where
En petite touche conclusive, sur la route qui ne mène nulle part, j’ai le plaisir de vous offrir, venant des bien nommées têtes pensantes
Les Talking Heads,
Qui bercèrent des adol/essences obsolèles dans les anées quatre-vingt d’un autre siècle
ce morceau
Cette chanson que j’adore &qui encore me dore
Ecoutez ces correspondances improbables ici :
(We are) On the road to No Where
il porte bien son nom, ce morceau de route. Notre nom à tous.
Mais dans longtemps seulement.
On the road, on no road, it depends…
Enfin, une autre poétisation de feu ma rubrique
Avec une fleur d’immortelle, glanée aux îles du Frioul face à Marseille, un mois de juin vers 2015 ou 14. J’adore l’odeur des Immortelles. Helychrisa Italianicum étant la seule variété odorante de cette famille florale. Elle est aussi utilisée en huile essentielle, notamment par Marie Ceccaldi à Calvi pour sa gamme de soins bio Casanera, d’excellente tenue).
J’en eus en brumisateur, figurez-vous : l’eau brumisée était le reliquat aqueux du processus de distillation en huile essentielle de la plante effectuée dans un superbe parc botanique corse (celui de Saleccia), près de Calvi (visité pour un article).
A la fin de notre entretien-promenade dans le parc, sa responsable m’en avais procuré une bouteille. J’adorais de cette brumisation l’odeur à note un peu fauve, un peu forte de la plante, se brumisant à l’instant T, puis une fois sur ma peau.
Elle est connue pour ses vertus après-solaires, la plante Immortelle , donc pour ses bienfaits en brumisation. Très rare, evidemment. Ce produits n’existe nulle part ailleurs.
Il y a 3 semaines, je la laissai bêtement dans mon bagage destiné à la cabine avant d’embarquer dans un avion Paris-Nice. Bon, à ma décharge on dira que c’était le lendemain matin d’un retour le soir en TGV de Vienne : Je n’avais pas défait les bagages, juste ajouté quelques effets.
Oubli fatal. Donc, elle fut confisquée par un employé payé pour cela lors du passage aéroportuaire à Orly (en Rayon X ou autre échographie). Et jetée devant moi par lui dans une stupide poubelle procédurale à nos pieds.
J’eus beau dire, comme pour me soulager du poids mort de mon brumisateur unique jeté, en désespoir de cause que cela n’ampecherait en rien le prochain attentat de se produire dieu sait ou dieu sait quand, à quelque coin de rue, ils me répondit : C’est le règlement.
120 mililitres.
En aucun cas davantage
Pas plus
Last but not least…
Mes amis les de La Taille, un frère, une soeur formant le Groupe bordelais Calame, rencontrés et shootés dans l’agora papoteuse (enfin, la voiture bar) d’un TGV…
Certainly not the last leave…
Pas le dernier des départs,
il y aura tant
d’autres
gares
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Sur l’air d’un petit refrain pérecien (Georges), façon trains :
Je me souviens
de tant de portraits de voyageurs faits en gares pour « Où Vas-tu » dans l’ancien « TGV Magazine ».https://christopheriedel.wordpress.com/…/ou-iront-ils…/
Synthèse :
Je me souviens
de tant de TGV
Voya/Gens
Refrain pérecien (Georges), mise en abyme :
Bon été à tous !
Je découvre cette rubrique au moment où elle n’est plus 😦 Ce que j’en lis est passionnant, touchant………..
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Oui, ce fut un labeur rétroactivement savoureux, et parfois pendant, nonobstant ses difficultés…
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