Quand je n’ai pas le moral, confiait Anouk, une amie photographe, je saute dans un train pour Marseille, Vieux Port, 25 minutes de bateau jusqu’aux îles du Frioul. Puis, promenade minérale sur celle de gauche, la plus sauvage, donc la moins flux tendus. La magie opère : on se retrouve bel et bien en gravissant ses éclats de roche, entre ancien fort militaire fantôme, oiseaux vous rasant pendant la nidification, eaux bleu-vert de carte postale, fraiche baignade de début juin en crique rocheuse, genoux calleux séchant sur la roche calanqueuse. en bateau, on longe L’hôpital Caroline qui accueillait jadis les pestiférés, est aujourd’hui restauré, sert à de superbes concerts aux beaux jours (il y a un bon festival fin juin début juillet) : par exemple celui des anciens combattants du Groupe Suicide d’Alan Vega, qui chanta assis début juillet 2014, vite remplacé par son fils. Se coupa un doigt sur sa guitare un autre soir où je l’avais vu à la Machine du Moulin rouge à Paris. Un soir où il y avait même Daniel Darc peu avant sa fin, en Backstage, que j’aperçus, photographié en noir et blanc come toujours par DomGarcia, qui me vendit plus tard un tirage de lui sous un jour un peu plus avenant, quoique sinistre come il savait l’être en noir cygne de romantisme post eighties…. Il y a prescription.
Oui, le Frioul est une petite magie en deux îles, comme les Berlengas au Portugal, d’ailleurs, ou Belle-ïle. L’illusion insulaire par excellence, la mer léchant les consciences via les doigts de pied. Résilience tranquille. Je ferai volontiers mon pélerinage estivo-annuel au Frioul. Retour sur Marseille, via le front de mer refait de près, comme on dit rasé de près. Promenade ripolinée le long du Fort Saint-Jean où amoureux et copains apérotent au crépuscule sur les rochers fortifiés, lumière magnifique à la Delacroix marocain léchant le tout.
Tout est comme neuf. On pourra aller manger une excellente bouillabaisse à l’institution du genre, le Miramar, à l’angle gauche du Vieux Port, chez le chef Christian Buffa, formé chez Bocuse. Il ne tient pas du tout, lui, à réinventer sa cuisine, comme tant d’autres. A contre-courant de la bouillabaisse sacrée (il fait chaud), on opte pour une brioche de turbot, morilles, foie gras et truffes. Un régal. En dégustant, on voit sortir le Gaudin en énième mandat, flanqué de sa garde rapprochée blonde…
On peut aussi aller à droite du Vieux Port au Malthazar, le bistrot du chef Michel Portos, parti du Saint-James** bordelais après 10 ans pour reprendre ce bel espace à double entrée dans sa ville natale. En discutant avec lui, il se confirme qu’il incarne ce petit courant de chefs étoilés qui se lassent de la machine d’un restaurant prestigieux au bout de dix ans, de ne pouvoir cuisiner sans protocole… ou accéder à un troisième macaron, faute d’être propriétaire de leur établissement.
Dans les ruelles du Panier, gravissant celle de la Montée des Accoules, j’ai toujours des réminiscences de celles de Lisbonne ma belle, l’impression superposée de gravir l’une des 7 collines… Par là, vous voila vite à l’église de la Vieille Charité, superbe église d’exposition de « Visions Huichol, un art amérindien », rue du Refuge. Vous y allez par le vieux Port, à droite, puis vous passez derrière la Major, cathédrale orthodoxe dans l’âme, qu’on croirait russe.
Voici au pasage mon article dans Où ? Magazine :
Depuis cet été, l’escalier monumental de la Major relie le quartier du Panier au J4. Il va devenir incontournable. Ainsi, on accède au Mucem, à droite, relié au Fort st jean par une passerelle métallique. En dessous, des gamins bravent avec délices l’interdit de plonger. Dans les faits de plus en plus toléré, me confirme un élégant passant en pull marine promenant son chien. On passe devant l’aile plongeoir de la villa Méditerranée, qui vous permettrait presque de sauter en rêve avec élan vers l’Algérie, sur l’autre rive.
A défaut, vous pourrez toujours vous rabattre vers les rochers plats de l’anse où Samira, réceptionniste de l’hôtel C2, organise des apéros entre amis : « Baignade tranquille abritée du mistral. Le soir, les lumières du restaurant Le petit Nice éclairent les eaux et les poissons. On peut aussi y pêcher des oursins au gant et à la fourchette, mais cela ne se fait pas ! »
Il suffit d’en déguster lors des oursinades de pêcheurs les dimanches de février, sur des ports proches comme Carry le Rouet. Un corail d’oursins, c’est si tentant… Je repense à ce chef breton deux étoiles, Jean-Pierre Crouzil à Plancoët, qui utilise la barbe des St Jacques (un ruban noir qu’on ôte en les préparant) pour en faire un bouillon à incorporer dans un jus. Rien ne se perd.
Puis, cap sur l’hôtel C2 : vous êtes dans le septième, l’un des 2 plus vieux quartiers avec celui du Panier. Le cours Puget sur lequel donne le C2 est une artère dont ce boutique hôtel intimiste vous isolé bien. Du marbre à l’escalier monumental et sa rampe de bronze jusqu’au au parquet, tout a été préservé. 20 chambres spacieuses à blancheur épurée et portant apparent. En haut, les suites de prestige, à chaque étage deux Junior suite, comme d’habitude. Cartographie stylisée de la ville sur les moquettes. Un fauteuil d’architecte à chaque étage. Au troisième, c’est celui du Corbusier en version peau de vache. En tête de lit, rectangle de briques rouges.
Cet ancien hôtel particulier XIXe a subjugué ses créateurs, un couple d’architectes marseillais… Il y a un charmant petit Spa Filorga noir, reposant. Un bar lounge (400 références de vins) à fresques restaurées. Un mur végétalisé de 20 mètres rehausse le petit déjeuner en terrasse de rez-de-chaussée.
Le C2 met les voiles avec une extension estivale surprise : une plage privée C2 sur le proche îlet rocheux Degaby, accessible en été en bateau particulier. Il y a aussi des animations artistiques et musicales jazzy dans le lounge bar. Le propriétaire, musicien amateur, est d’ailleurs allé au festival de jazz de Montreux et à des concerts à Veyrier.
Marseille, ses habitants l’aiment, ils confient parfois, vivement le printemps en hiver, mais n’est-ce pas le cas partout, avec ou sans toutou ?
www.c2-hotel.com – malthazar.com – lemiramar.fr – marseille-tourisme.com
Photos
Hôtel C2, C.Riedel
2 expos :
• Andy Warhol, Times Capsules au MAC (5/12 au 12/04/2015)
• Food au MuCEM (21/10 au 23/02).
• Cool as a state of mind au MaMo, sur le toit de la Cité Radieuse (14/2 au 26/4