Imaginaires scientifiques, lieux prédestinés, street artiste éclairé, le tour est joué : le Musée du CNAM au métro Arts et Métiers* accueille le travail de C215 (bénévole rappelle t’il) avec le CEA à Saclay. ll a pu collecter via leurs services une kyrielle d’objets déchus, résidus d’expériences destinés au rebut pour une seconde vie et vue. Dans une salle intimiste, choisie par l’artiste pour ne pas être trop imposante dans l’espace majestueux de plafond du Cnam, rayonne et irradie la mémoire collective scientifique du centre de recherches situé à Saclay, où l’artiste est aussi intervenu sur des murs, ce que montre un film dans l’exposition.
* Voir la superbe station-vision sur la ligne M° 11 du dessinateur François Schuitten en prélude vernien, puis l’aéronef pas blindé d’Ader planant à l’entrée de l’expo C215 au Cnam, la section transports du Musée au Rez-de chaussée en arrivant et repartant : autant de petits bonheurs visuels bien assortis en parcours de visite.
35 portraits de chercheurs, réalisés au pochoir sur des supports disparates, panneaux, formes métaliques inintelligibles au premier abord, hautement symboliques, dont la première vie est ici retracée sur les cartels, deviennent ainsi les supports de ses désormais fameuses peintures- pochoirs, que je trouve parfois néo-impressionnistes. Particules pas si élémentaires, molécules d’imaginaire, clins d’oeil pas piqués des vers. Clins d’oil verniens, j’entends Jules Verne, dont l’univers n’est pas loin.
D’ailleurs, à l’entrée, l’immense aéronef chauve souris de Clément Ader, premier aviateur, est un excelleent prélude à l’univers qui se déploiera ensuite sous nos yeux.
C215 personnifie donc chaque objet en lien avec son histoire : Marie et Pierre Curie sur des tableaux périodiques des éléments (ça rappelle le lycée) où figure le polonium, un métal qu’ils ont découvert ensemble en 1898 ; Georges Charpak sur un détecteur gazeux qui rappelle la détection de particules, rendue possible par son invention de la chambre à fils ; ou encore Yoda et R2D2, figures de la science-fiction chère à l’imaginaire de l’artiste, bref du Star Wars chair visuelle de tous depuis qu’on existe, banque de données mémorielles de 3 générations… Il y a David Bowie aussi.
On y trouve façon supports/surfaces/toiles de fond/matière à penser (food for thought sonne mieux) transmises par les découvertes associées aux portraits de chercheurs. Il y aura les recherches du fameux Schrödinger, dont on ne manquera pas le paradoxal chat, ambivalent, voire dichotomique :
vivant/mort
on-off,
fourni en idée dans une boîte noire conceptuelle,
simultanément en deux états potentiels
repliés comme des points l’un sur l’autre dans l’espace temps du quantique informe.
Voici le cartel et, plus bas, l’oeuvre :
Le chat de Schrödinger Tube photomultiplicateur
« Qui est ce chat qui nous fixe de ses grands yeux? Il s’agit de la première œuvre de la collaboration de C215 avec le CEA Saclay, un bon sujet pour
tester notre projet arts et sciences. Très vite, les grandes figures scientifiques se sont imposées: des savants du patrimoine culturel français et international. L’artiste et le savant, dans cette exposition, sont-ils retombés sur leurs pattes?
Cet ancien tube détecteur photomultiplicateur permet de transformer de la lumière en signal susceptible d’être traité électroniquement et numérisé. Peu cher, souple d’utilisation, ce type de détecteur composé d’un matériau scintillant, d’un guide de lumière et d’un photmultiplicateur est fréquent dans les expériences incluant des particules ou du rayonnement. »
Ailleurs, ce sont Georges Charpak, parmi bien d’autres chercheurs récents, moins connus mais éminents. Et puis ceux du passé, les illustres pionniers : Un Galilée, dont C215 rappelle qu’il était en train de le peindre le jour de l’attentat contre Charlie. Télescopage du petit réel autour de formes d’obscurantismes auxquelles le chercheur d’antan et surtout le comité de rédaction furent tragiquement confrontés. A chaque époque on inquisition, semble t’il dire en filigrane. Lui qui devait manger ce soir-là avec l’écrivain Michel H, éminent tendançeur, spécialiste malgré lui du filigrane entre imagin/air du temps caustique et réalité décapée, surgissant sans crier gare.
Du 27 janvier au 19 avril 2015, au Musée des Arts et Métiers,
à la station de Métro éponyme
L’irradié en chef (avec sa femme Marie) : Pierre Curie
Pierre Curie, lequel, comme tant d’autres, laissa sa vie au feu passionnel de ses recherches. Cette exposition fait écho à la collaboration de C215 avec le CEA initiée en 2013 : un projet de street art sur les murs du centre de recherches du CEA-Saclay (à 20 kilomètres au sud-ouest de Paris), ainsi que sur d’anciens objets scientifiques des laboratoires du CEA, outils de science, témoins de travaux passés.
A propos d’une autre forme « d’obscurantisme éclairé », celle du positivisme scientifique à tout crin pro-nucléaire, on demande malicieusement s’il n’eut pas été plus malin d’attendre un peu une solution de retraitement avant la mise en place de la filière du tout-nucléaire à la française, dont le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) est l’incarnation depuis les années cinquante. A Je fais allusion à ce qui m’avait frappé : ses pères fondateurs, les scientifiques des années cinquante, avaient alors dit en substance :
« Lançons-nous dans la production, on peut faire confiance au génie humain pour trouver une solution par la suite pour le traitement des déchets… ».
On verra bien, enfin pas nous. Ni le chat de Schrödinger ci-dessus*.
Quoique ? Pourvu que l’avenir leur donne raison, aux pères fondateurs,
têtes pensantes du nucléaire, pile chargée à bloc pour le futur.
Je l’es/père d’enfants
dont les enfants y seront
confrontés, comme leurs enfants et…
Il répond, Christian, alias C215, un peu piqué sur le vif, qu’ignorer le nucléaire aurait été obscurantiste aussi. C’est décidément le mot du jour, pas toujours à propos. Ma question était peut-être déplacée, sans perfidie, mais s’agissant du CEA, pouvait-on l’éviter, la gommer par politesse ?
D’ailleurs, je lui répète que j’adore être déplacé, comme je l’ai abordé, sans préambule ni politesse, cependant qu’il parlait à une collègue.
Cela ne se fait pas, j’adore le faire, ma mère était déjà comme cela, portugaise spontanée parlant mêmes à des inconnues. Là n’est pas notre propos, mais j’aime ne pas être formaliste.
Cela m’a déjà nui, of course, tant pis.
Soyons juste, l’expo est passionnante, la passerelle art/sciences se tient, qui donne à réfléchir en voyant sur biens des champs de recherche fertiles. Avec ce projet, « C215 crée une passerelle entre art et science et montre combien ces deux processus créatifs se nourrissent l’un de l’autre en fournissant une touche de poésie à la science. Le street art donne ainsi une deuxième vie à des objets de science sans utilité devenus œuvres propices à raconter des histoires et à valoriser le patrimoine universel des sciences dans le quotidien des chercheurs. »
* qui me séduit autant que celui au métro Nationale du même C215,
lol cat, chat sur 10 mètres de haut à flanc d’immeuble.
[Cette exposition fait l’objet d’un ouvrage aux éditions Critères, E=MC215,
textes de Jérome Catz, Etienne Klein, Elisabeth de Lavergne.]
Les autres actualités du C215 :
MADE IN CNAM : Exposition de portraits de chercheurs sur les grilles du Conservatoire Nationale des Arts et Métiers, 23 février – 4 mai 2015
FAR CRY 4 : Exposition d’œuvres issues de la collaboration de C215 avec Ubisoft, à la Galerie Berthéas de Paris, 20 mars – 12 avril 2015
LOST IN TRANSLATION : Rétrospective d’œuvres de C215 à la Galerie Berthéas de Saint-Etienne, 28 mars – 16 avril 2015