Finaliste de Top Chef 2013, défenseur des origines et produits de son terroir nordiste, le chef Florent Ladeyn, 30 ans, est amoureux éclairé de la bière. Il la cuisine à toutes les sauces, en accompagne ses plats. C’est aussi pour cela qu’il a obtenu en mars dernier un macaron au Michelin pour le restaurant familial, l’Auberge du Vert Mont dans les Flandres, à Boeschèpe (59), dont il a repris les rênes voici 8 ans. Et c’est devant une mousse qu’il fête les 9 mois de sa seconde adresse : le bistrot lillois Le Bloempot. Ce qui signifie pot de fleurs. Tour d’horizon de ses brassins mignons, en passant par son menu du moment, en accords bière et mets, bien sûr.
Le monde de la bière ? : « Il change, il était temps ! On le constate avec l’explosion de la micro brasserie (550 en France), avec des accords mets bière se répandant : ils ouvrent des horizons complémentaires, On peut surprendre les gens car elle a ce côté accessible, la bière. Que n’a pas le vin : il reste un peu sacré. »
Ses brasseries de prédilection ? « J’aime beaucoup la brasserie artisanale Daniel Thiriez à Esquelbecq, un village à 15 kilomètres de mon auberge du Vert Mont. Il a commencé à faire des IPA, Indian Pale Ales, il y a 15 ans, avant qu’elles redeviennent à la mode. Une amère très houblonnée inventée par les anglais au XIXe siècle car leurs bières fermentaient en bateau vers les Indes. Ils ont donc augmenté le dosage en houblon, antiseptique naturel, pour y remédier. Une bière doit être digeste, pas lourde comme celles de référence en Belgique il y a 10 ans, qui ne permettaient pas d’accord avec les mets, par exemple avec la carbonade ». http://www.brasseriethiriez.com »
« J’adore la brasserie suisse de L’Abbaye Saint Bon-Chien. Qui mûrit des bières acides de fermentation mixte durant un an en barriques (par exemple de Gamay) de vignerons suisses, utilisées plusieurs fois. Aux clients me disant « Non, je n’aime pas la bière. », j’en fais goûter : son caractère vineux, sa belle acidité les séduit. » http://www.brasseriebfm.ch
« Enfin, j’aime beaucoup la brasserie Deca des frères Struise, près de chez moi, ils travaillent bien. Avec eux, on est déjà dans des bières de caractère, de dégustation vieillies, ce qui m’intéresse beaucoup : J’ai eu l’occasion de déguster des bières périmées de 1999, impressionnantes ; la bulle devient beaucoup plus fine. En fait, on ne met pas de date limite de consommation sur les vins, alors qu’on en met sur les bières. C’est incompréhensible pour un amateur de bières comme moi ! http://www.decabrouwerij.be
Et les autres ? « Je bois très peu de bières de grande consommation. Si je devais en choisir une, ce serait la Chimay Bleue de Duvel, une brune qui a une belle rondeur et des notes caramélisées assez douces. L’an passé, ils ont sorti la Triple Hop (houblon en wallon), plus houblonnée, encore une fois, que j’ai beaucoup aimé. Ils avaient utilisé un houblon belge, néo-zélandais et américain. Je sus un grand fan d’amertume, ce qui permet de donner du relief, de la valeur ajoutée aux autres saveurs plus connues. Au même titre que l’acidité, qu’on s’efforçait il y a quelques années d’éliminer du vin ou des bières. Une bonne Gueuze acide de chez Cantillon, je suis désolé, mais c’est bon ! » cantillon.be, duvel.com
Les accords mets & bières « Aujourd’hui, on doit être à 15 % d’accord bière par rapport au vin dans nos 2 restaurants. Par contre, on se bat pour monter ! Car la bière a une palette aromatique se mariant très bien avec ma cuisine de caractère, gardant de la légèreté aussi. Par exemple j’ai une délicieuse bière danoise à 3°, la Fanø*. A l’opposé, vous en avez qui font 12° et pas de goût du tout… Hier soir, j’en ai goûté une parfumée à la grenade (de la brasserie Chti), se disant conçue pour séduire les jeunes : je n’y ai trouvé aucun intérêt. On ne les fera pas rêver avec cela… » Site : fanoebryghus.dk
Je l’avais un peu lancé sur ce thème aussi : je ne supporte pas cettte stupide mode des bières aux arômes artificiels de fruits ou d’alcool. On en boit une fois, puis on est désespéré par ce radeau d’artifices (on aura noté le jeu de maux). Comment diable voulez-vous séduire des femmes de façon durable ainsi, ou des jeunes ? Les gens de marketing disent que cela marche, je doute de la durabilité de tels produits quand des bières offrent des palettes bien plus riches, certes parfois teintées d’amertume : la bête noire de la facilité gustative…
Le suite dans mon article de septembre dans Cocktail Zone, magazine des bars et barmen.
Cuisine Mémoire ? « Mes deux grands-mères travaillaient en cuisine, mes parents tenaient l’auberge du Vermont à la façon traditionnelle d’un estaminet. Je l’ai repris voici 8 ans après une formation à Dunkerque. »
Ses producteurs ? En circuit court locavore « J’ai la chance d’avoir pour mes légumes des producteurs belges bio ou, mieux encore, en biodynamie : ils créent un écosystème à part entière dans leur potage rexploitant le calendrier lunaire, les insectes, du bon sens, de la passion. Leurs betteraves sont à tomber : juste parce qu’elles sont faites dans le respect et le temps voulu. »
Pour la pêche, les petits bateaux nocturnes de Dunkerque à 30 kilomètres, de super élevages de porc en bio. Pour le bœuf, un élevage de race Rouge flamande, qui revient petit à petit : « il faut la laisser mâturer, puis son goût devient extraordinaire. Si je respecte les sauces comme il y a 30 ans (car une sauce est une sauce), ma cuisine n’est pas protocolaire : elle a une note sauvage. »