Fulgurante trajectoire que celle de Vincent, qui voulait qu’on l’appelle ainsi pour se démarquer de son frère Théo, le si influent marchand d’art : 37 ans de vie, 38 adresses dans 4 pays. Sa dernière est ici. En mai 1890, après un an d’asile volontaire à Saint-Rémy de Provence, consécutif au fameux épisode de l’oreille (blessée en se rasant pour aller au bordel avec Gauguin, pas coupée par démence), Van Gogh vient se reposer à à Auvers-sur-Oise.
Où habite le docteur Gachet, spécialiste de la mélancolie, homéopathe et peintre amateur. Ami de Cézanne, il soigne la famille de Pissarro, accepte de prendre soin de Vincent via son frère Théo, galeriste à Montmartre. Figure locale, Gachet réunit dans sa maison des peintres impressionnistes depuis 1973 et veille sur Van Gogh, qui loue une petite chambre à l’auberge Ravoux. Le docteur Gachet héritera de huit toiles dont son fameux Portrait Bleu tourmenté, peint ici. Devenu un musée, ce lieu expose 22 manuscrits d’artistes, dont Vincent, qui écrivit 822 lettres.
La maison du Docteur Gachet et son écrin de verdure, où tant d’artistes posèrent leur chevalet, est une des étapes de la saison culturelle estivale Sur les pas de Van Gogh à Auvers (30 kilomètres de Paris). Soutenu par son entourage, il y travaille avec enthousiasme. Le choix de ses sujets (champs de blé, maisons paysannes, église) reflète son mieux-être. Il peint soixante-dix toiles en deux mois, visibles sur le site Web de la ville. Et une application mobile sera créée pour dix d’entre elles dans le cadre du projet fédérateur Van Gogh Europe. Il y a bien sûr un audio guide à l’office du tourisme.
Puis la Maison du Docteur Gachet et une lettre de Cézanne qui y est exposée cet été
Et puis, en cerise sur le bleu existentiel… L’auto portrait bleu du génie malheureux
Hélas, le sentiment de culpabilité envers son frère, dont il se sait dépendant, les querelles avec Gachet, son psy avant l’heure, le conduisent au suicide sanglant, aussi rouge que ses bleus, fin juillet, dans sa chambrée à lucarne. il se traîne ensuite dans la rue, mourra deux jours plus tard
Chambrée qu’’on visite ainsi, dénudée, quasi carcérale, beau parti pris :
Vide, sauf une chaise qui fut sienne. Dans l’auberge Ravoux, devenue « La Maison de Van Gogh », subtilement agencée telle quelle, avec restaurant de charme à spécialités d’époque. De là, le parcours pourra mener des bords de l’Oise à l’église romane peinte par Van Gogh, du cimetière où reposent les deux frères à la jolie Maison – Atelier du peintre Daubigny, qui expose « Un chemin vers la couleur ». Ce lieu privé vous replonge 150 ans plus tôt, comme le Musée Daubigny du Manoir des Colombières, au-dessus de l’office de tourisme.
A l’inverse, le distingué château d’Auvers détonne en exposant jusqu’au 21 septembre un street artiste graffiteur, Nowart, dont Van Gogh est depuis longtemps un des dadas mignons. Savoureux mélange des genres.
Autre cerise sur le gâteau, le musée de l’absinthe crée par une passionnée. Une fabuleuse mine d’affiches et d’objets autour du rituel de la Fée verte. On en dégustera quelques gouttes en partant. Depuis qu’elle est de nouveau autorisée, elle est 10 fois moins dosée en thuyone que durant son âge d’or. De toute façon, Vincent, bien plus sobre que sa légende, n’en buvait guère. L’année prochaine le fêtera encore pour les 125 ans de sa disparition.
Mon article dans Où ? Magazine ici :
Saison culturelle « Sur les pas de Van Gogh » – Sites : surlespasdevangogh.eu lavalleedeloise.com –maisondevangogh.fr – – Office de tourisme : Tél. 01 30 36 10 06
Photos : Saison culturelle d’Auvers-sur-Oise,DR, C.Riedel.
Et voici un peu d’inattendu biographique à l’affiche estivale 2017 (MAJ du 01/06/17) :
L’Institut Van Gogh expose deux toiles d’Anton Hirschig à l’Auberge Ravoux
Ce 16 juin 2017, jour anniversaire de l’arrivée du Néerlandais Anton Hirschig à Auvers-sur-Oise, l’Institut Van Gogh lui rend hommage en exposant deux de ses toiles dans la chambre qu’il occupait à l’Auberge Ravoux. Anton Hirschig fut le témoin de l’agonie et dernier messager de son voisin de palier… Vincent van Gogh. S’il ne tient sa petite place dans l’Histoire de l’Art que de ce seul événement, c’est la première fois qu’une exposition lui est consacrée.
30 ans de recherches pour retrouver trace de l’œuvre d’Hirschig
Ce 16 juin 2017, jour anniversaire de l’arrivée d’Anton Hirschig à Auvers-sur-Oise, l’Institut Van Gogh lui rend hommage en exposant deux de ses toiles dans la chambre n°6 qu’il occupait à l’Auberge Ravoux.
Il aura fallu 30 ans de recherches pour retrouver trace de « l’œuvre » d’Hirschig. C’est grâce à la complicité de l’Hôtel des Ventes Drouot que Dominique-Charles Janssens a pu acquérir lors d’une vente aux enchères 3 toiles d’Anton Hirschig.
Les 2 toiles qui seront exposées à partir du 16 juin ont été remarquablement restaurées par Mme France de Viguerie. En clin d’œil à Van Gogh, les toiles ont été encadrées avec talent par deux artisans Valdoisiens, Jean-Paul Coguic et Jean Havard, qui se sont inspirés d’un cadre en « bois blanc » comme les aimait Van Gogh.
Ce que Vincent appelait « bois blanc », expression qu’il a traduite littéralement du néerlandais, est du bois brut, non peint. Ce qui n’a pas empêché le conservateur René Huyghe de prendre sa parole à la lettre et d’encadrer les tableaux de Van Gogh de baguettes de bois peintes en blanc lors de l’exposition consacrée à l’artiste à l’occasion de l’Exposition Universelle en 1937.
Anton Hirschig (1867-1939), dernier messager pour Van Gogh
Mi-juin 1890, Anton Hirschig, peintre hollandais de 23 ans, en quête de conseils avisés, se présente à la galerie Goupil à Paris pour y rencontrer Theo van Gogh. Après l’entrevue, Hirschig décide de se rendre dans le village d’artistes d’Auvers-sur-Oise, où réside le frère de Theo, Vincent.
« Il y a un Hollandais qui viendra te voir, il était recommandé par de Bock qui lui avait recommandé Fontainebleau, mais il le trouve pas à son gout. Je ne sais pas s’il a du talent, il n’avait rien à montrer. «
Extrait de lettre de Theo à Vincent- Paris – 15/06/1890
C’est ainsi que, le 16 juin, Vincent van Gogh fait la connaissance d’Anton Hirschig, qui devient son voisin de palier à l’Auberge Ravoux. Vincent ne tarde pas à donner sa première impression à Theo :
« C’est avec plaisir que j’ai fait connaissance avec le Hollandais qui est venu hier. Il a l’air bien trop gentil pour faire de la peinture dans les conditions actuelles. Si néanmoins il persiste à vouloir en faire je lui ai dit qu’il ferait bien d’aller en Bretagne avec Gauguin et de Haan parce qu’il vivra là-bas de 3 francs par jour au lieu de 5 francs et aura de la bonne compagnie. »
Extrait de lettre Vincent à Theo – Auvers-sur-Oise – 17/06/1890
Quelques jours plus tard, il complète :
« Le Hollandais travaille assez assidument mais se fait encore illusion sur l’originalité de sa manière de voir, considérablement. Il fait des études à peu près comme en faisait Koning. Un peu de gris, un peu de vert avec un toit rouge, une route blanchissante.
Que faut-il dire dans un cas comme cela, s’il a de l’argent alors certes il fait bien de faire de la peinture. Mais s’il faut qu’il intrigue beaucoup pour en vendre je le plains d’en faire, de la peinture, comme d’autres d’en acheter à un prix relativement trop élevé. Là, si pourtant il travaille seulement bien assidument tous les jours, il arriverait. Mais seul ou avec des peintres qui travaillent peu il ne ferait pas grand-chose je crois. »
Extrait de lettre Vincent à Theo – Auvers-sur-Oise – 24/06/1890
De son côté, Adeline Ravoux, la fille des aubergistes, se souvient :
Tommy Hirschig […] était un joyeux garçon, pas un travailleur acharné, plus préoccupé par les jolies filles que par la peinture.
Les Souvenirs d’Adeline Ravoux sur le séjour de Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise, » Les Cahiers de van Gogh (no. 1, 1956)
L’analyse de Vincent van Gogh se confirmera : Hirschig n’a pas marqué l’Histoire de l’Art par son talent de peintre !
En revanche, son nom est à jamais lié à celui de son illustre compatriote pour avoir été témoin de son agonie. En effet, c’est Hirschig qui sera chargé par le Dr Gachet d’apporter à Theo un message expliquant le drame qui se joue à Auvers-sur-Oise. Grâce à cette intervention, les deux frères sont réunis pour la dernière fois. Vincent décède dans la nuit du 28 au 29 juillet dans les bras de Theo, on l’a déjà dit plus haut…
Anton Hirschig (1867-1939) – Paysannes se reposant dans les champs © Institut Van Gogh
Anton Hirschig (1867-1939) – Sous Bois © Institut Van Gogh
La chambre de Van Gogh (a gauche) et celle d’anton hirschig (a droite) à l’auberge Ravoux @institut van gogh
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Une courte séquence publicitaire :
Sur l’Institut Van Gogh, créé en 1987, association à but non lucratif loi 1901 ayant pour missions :
– la sauvegarde de l’Auberge Ravoux dite « Maison de Van Gogh » (dernière demeure du peintre) et l’animation culturelle de la chambre de Van Gogh. Classée Monument Historique, la chambre n°5 de Van Gogh est la seule demeure du peintre conservée dans son état originel. C’est dans cette chambre que Van Gogh mourut le 29 juillet 1890.
– la conservation de l’environnement auversois qui inspira au peintre ses ultimes chefs-d’œuvre ;
– l’acquisition d’un tableau auversois de Van Gogh, ah c’est, c’est le graal du patron ! Et l’acquisition de toiles d’Anton Hirschig et de Jules Chéret ;
– le soutien à la recherche sur la vie et l’œuvre auversoise de Van Gogh.
L’Institut, situé à Auvers-sur-Oise, est présidé par Dominique-Charles Janssens depuis 30 ans. Son directeur scientifique est Dr Wouter van der Veen.
Facebook : InstitutVanGogh
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Notons aussi la récente parution chez Liana Levi d’un livre qui résonne bien sur les terres de la femme cachée :
Quatrième de couverture
« Sur la mort de Vincent Van Gogh tout a été écrit. Sur celle de son frère, Théo, terrassé par le chagrin, des litres d’encre ont été aussi déversés. Mais personne n’a évoqué ce qu’il advint de Johanna Bonger, épouse de Théo, qui vécut un double veuvage tant le lien des deux frères était fort. Après la disparition de son mari dans un hôpital psychiatrique d’Utrecht la jeune femme décide d’ouvrir, à quelques kilomètres d’Amsterdam, une auberge qui lui permettrait, à elle et à son enfant qui a tout juste un an, de survivre.
C’est là qu’elle réunit les écrits de Vincent, qu’elle accroche aux murs ses tableaux. Nous sommes en 1891 et certains voyageurs de cette fin de siècle s’arrêtent volontiers dans l’agréable demeure.
Déconcertés ils regardent ces tableaux aux couleurs inattendues. Des tableaux qui jusque-là n’ont pas trouvé acquéreur, ni à Arles ni à Paris, qui ont été dédaignés et même voués par certains au bûcher tant ils paraissaient « démoniaques ». Grâce à cette exposition et aux efforts déployés par Johanna le peintre connaîtra enfin une gloire posthume. Une histoire méconnue et passionnante…
Camilo Sánchez est né à Mar del Plata (Argentine) en 1958. Diplômé en journalisme et sciences humaines, il a collaboré à différents journaux et revues, dont Ñ et Clarín. Il dirige actuellement Dang Dai, le premier magazine d’échanges culturels entre l’Argentine et la Chine. La Veuve des Van Gogh est son premier roman.
vous devriez aller voir la vidéo sur you tube : https://www.youtube.com/watch?v=Dac6PkHozRI&t=268s
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Merci. En effet, Vincent à Auvers y est bien détaillé..
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