C’est un petit château d’Eure-et-Loir où Racine écrivit deux pièces, où Françoise d’Aubigné devînt madame de Maintenon, seconde épouse officieuse du Roi Sun XIV, qu’elle épousa secrètement il y a 330 ans (dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683, donc). D’où bien des festivités passées et jusqu’au 17 août 2013, sur des façades consentantes, un beau spectacle nocturne . Lequel, a t-on appris en fin d’année, est repris, donc recommence – ou plutôt continue – en juillet 2014. Il le mérite, et je l’avais appelé de me voeux dans un billet précédent. Il s’agit de :
Madame de Maintenon ou l’Ombre du Soleil
Comment se déroule t-il ? Avant la tombée de la nuit, des saynètesaux jardins jouées par deux comédiens aux accents gouailleurs (drôle de contraste, plutôt amusant). Le tout en mode participatif avec le public (400 personnes par soir, dont 50 places laissées à la vente chaque soir pour qu’on n’affiche pas complet, bel égard pour vous, spectateur de hasard)
– Dès la disparition de l’astre solaire, Grand come back de King Louis Sun avec le vidéaste Xavier de Richemont : sa peinture vidéo aux couleurs magnifiques et scintillantes, baroques en diable, sur 3 façades du château, face et pile et face, raconte en trois épisodes le fabulous parcours de Françoise d’Aubigné, née en prison, mariée au poète infirme Paul Scarron, et qui deviendra pour la Cour Madame de Maintenon. Puis l’épouse secrète du Roi Soleil (elle en souffrira, de cette clandestinité de luxe).
Ce spectacle sera peut-être repris ou remixé de quelque façon à l’été 2014 car sinon, ce serait dommage. Et puis ça coûte 180 000 euros, alors autant en reprofiter, mais cela n’engage que moi, on pourra me reto(r)quer en disant que réchauffé. Mais ça serait bien.
Mais revenons à Maintenon. Jean-Paul Belmondo y tourna en 1981 la scène finale du film Le Professionnel sur le parterre frappé du double L royal, en place depuis 1920, remplacé par un jardin Le Nôtre de Patrick Pottier, maître jardinier. S’inspirant d’un croquis de 1686 conservé à la Bibliothèque Nationale (fond Robert de Cotte), il l’a réinterprété en y apportant quelques variantes : trois sortes de topiaires élevant leur feuillage conique vers le ciel, faisant écho aux multiples cheminées de type Renaissance qui hérissent le toit de ce château de 1100, revu et augmenté au XVII. Il y a de larges allées de promenade, pour permettre aux visiteurs de déambuler au plus près du végétal là où ils ne pouvaient jusqu’alors que contourner le parterre au double L royal.
Résultat : 2000 pieds de buis pour les bordures, 65 rosiers (des André Le Nôtre, variété baptisée ce printemps pour les 400 ans lors du Festival Jardin Jardins), un tapis floral de 2000 impatients roses de Nouvelle-Guinée, 2000 sauges blanche et bleue, « aux couleurs de la marquise« . Le tout, produit à proximité : les végétaux proviennent des pépinières d’Anjou et sont cultivés près de Chartres, un jardin à la française dans les règles de l’art, ancrant un peu plus le site dans son histoire.
Si les différentes périodes historiques du château se remarquent sur le bâtiment lui-même, le jardin était jusque alors mariné dans un romantisme XVIIIe, avec son aqueduc inachevé, titanesque carcasse, élégant vestige du caprice d’un roi qui voulait amener l’eau de l’Eure à Versailles, 80 kilomètres plus loin, pour alimenter ses 24 000 jets d’eau devant fonctionner de jour comme de nuit.
Ce projet, une cruelle folie pour Saint-Simon (70 000 hommes y concoururent en vain) échoua en 1689 à 20 kilomètres de l’arrivée faute de moyens, et pour cause de guéguerre, autre gageure royale (attaque de la Ligue d’Augsbourg : non ce n’est pas une équipe de football).
Agenda des manifestations : chateaudemaintenon.fr – Golf : golfdemaintenon.com – Site de l’Eure et Loir : tourisme28.com – Château de Maintenon Place Aristide Briand 28130 Maintenon
En bonus, où dormir, etc ?
La Bergerie, sympathique, voire exquise chambre d’hôte à 4 kilomètres, à Houx, j’y fus. Classée bâtiment remarquable, cette ancienne Bergerie devenue cossue déploie depuis le XVIIème siècle son étonnante façade et depuis 20 ans les sculptures déterrées d’une scupltrice anglaise, J P Harvey, alors propriétaire, qui dut les y enterrer pendant la guerre.
C’est une découverte de de hasard de Madame Lafont, qui est aussi dessinatrice (Ecole du Louvre). On en voit ci-dessous une sur fond de petit déjeuner, avant que je n’engloutisse fruits et flan goulûment (par angoisse de manquer ? mais pourquoi suis-je maigre comme un clou, hibou, caillou, pou, chou ?)
En poussant la porte de la demeure, les poutres patinées par le temps, les cheminées imposantes et le mobilier du XVIIIème siècle prédominent. Un parc verdoyant clos de mur et une piscine en eau salée.
19h30 : Dîner au restaurant Le Petit Marché à Maintenon, institution locale bien méritante, on y mange bien, sans concurrence digne de ce nom il est vrai. Le chef Michel Ménier, membre de l’Académie Culinaire de France, et son équipe, accommodent tous les plats avec des saveurs dosées au goût juste et produits frais qu’ils vont echoisir chez leurs fournisseurs : abel circuit court garanti, mon bon monsieur !
21h00 : Rendez-vous au château de Maintenon pour assister à la Fantaisie historique contée en 3 tableaux, « Madame de Maintenon ou l’Ombre du Soleil »
23h00 : nuit à la chambre d’hôte La Bergerie, à Houx. Tenue par Madame Martine Lafont, propriétaire et épouse de Jean-Philippe, chanteur lyrique connu (104 rôles à ce jour, espère bien arriver à 110),
et quelques films dont le Festin de Babette et un avec Delon, d’où plein de photos superbes dans l’escalier menant aux 3 chambres…
Il répète le rôle du père de la Cendrillon de Rossini pour l’opéra de Strasbourg cet automne… Avec Madame Dupleix, une dâme ne faisant pas son âge, sa professeur de chant et répétitrice depuis 42 ans.
Des gens charmants, la chambre luxe avec jacuzzi, plein de détails raffinés, j’ai fini ma matinée en y relisant, extirpés de la bibliothèque de ma chambre luxe, quelques poèmes d’Eluard à Gala et Exercices de style de Queneau Raymond au petit déjeuner.
Au jardin, bien sûr, et avec du flan en cadeau bonus de la maîtresse de maison. Première fois que je mange du flan au petit déjeuner. Retour en train, la gare est juste en face du château, à une heure de Paris…
Contact : 9 rue de l’aqueduc – 28 130 Houx – 02 37 32 44 04 – mart.lafont@gmail.com – http://labergerie28.fr
Et voici mon commentaire sur leur (l)ivre d’or. Votre défi ?Le déchiffrer tout à fait :
Ecriture limite ? Bon, voici les clés :
« C’est une nuit en Bergerie digne d’un livret d’opéra à venir ou passé. Les sculptures du jardin déterrées, leur mise en abyme dans la peinture de Martine, le petit canal derrière le jardin se perdant dans les méandres mémoriels du Bel Canto de Jean-Philippe (qui a interprété 104 personnages lyriques), quelque part entre les opéras de Manaus et Macao, à l’embouchure de l’Amazone et de la mer de Chine, d’Amman à l’Ecole du Louvre fréquentée par Madame (qui a dessiné Monsieur en haut de l’escalier menant aux chambres.). La queue du bonheur est à la Bergerie… »
Amicalement, Christophe