Pierre Sang in Oberkampf

Pierre Sang Boyer
Entre Auvergne et Corée

Souriant, décontracté, derrière cela concentré et déterminé, tel est Pierre Sang Boyer. Né en Corée du Sud, adopté à 7 ans en Auvergne, il apprend la cuisine en famille, va à la pêche ou aux champignons à vélo. Découvre ainsi, mine de rien, les vertus des circuits courts, l’absence d’intermédiaire entre producteur, restaurant et consommateur. Plus l’essence du produit et le goût d’un service juste.

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Après, « on trouve toujours des ingrédients pour épicer et surprendre », mais au-delà de l’apparat. Après ses études au Puy-en-Velay et à Montpellier (dont il a drôlement gardé l’accent chantant), il part en compagnonnage à Londres dans des établissements étoilés. Et Top Chef, dont il fut demi-finaliste en Saison II ? Un hasard de bonne étoile : « Un ami d’enfance m’a inscrit, mon profil atypique a plu. » Qu’en pense-t-il avec le temps ? « C’est comme la vie, on traverse des épreuves, il faut en tirer le meilleur parti. » A 25 ans, il retourne dans son pays d’origine. « Ce retour en Corée m’a bouleversé, la mémoire du goût a fonctionné. Des saveurs me sont revenues comme les bonbons au sésame. En plus, ma femme est Coréenne, je réinterprète les produits à ma sauce… » Il y retourne régulièrement.

« L’un de mes rêves serait de faire quelque chose là-bas. » Mais il juge prématuréd’en parler, préférant se concentrer sur son restaurant qui a huit mois et quelques participations à des événements culinaires. Comme la seconde édition du « Festival Omnivore » de jeune cuisine faisant étape dans dix villes du monde.
De ses deux cultures, Pierre a extrait un double regard, par exemple pour agrémenter son carpaccio de magret de canard de pousses de soja et d’éclats de cacahuètes. Ou au fromage, du bethmale, une tomme de vache ariégeoise, revisitée avec un chutney de baies rouges Omija. « Parce que les jeunes générations aiment moins les fromages forts, on les remet en valeur par du contraste. »
« Pierre Sang Boyer In Oberkamp », sa table d’hôte, a ouvert en juin 2012 dans cette rue faubourienne et commerçante, près de la place de la République. En fait, un comptoir de dégustation en chêne et quelques tables autour, ainsi qu’un sous-sol en cave voûtée, plus cosy. Le long du comptoir, un monde fou (on vient sans réserver, sauf à partir de six personnes). Derrière, cinq artisans efficaces se relaient entre cuisine et salle. A midi, ça marche du feu de Dieu ! L’accueil et le service souriant et rapide, sous la direction expertement charmeuse de Pierre et son acolyte Maxime Guignard, séduisent une clientèle d’habitués.

Auxquels, en fin de service, Pierre raconte comment il se différencie en allant chercher tel petit fournisseur en direct, en pratiquant une cuisine instinctive, à l’envie, selon les arrivages. Chaque jour, midi et soir, le chef propose les mêmes plats, on choisit
le nombre d’assiettes désirées. Dans la formule freestyle du soir, six plats et des vins selon les envies se succèdent. Maxime en parle comme s’il venait droit du terroir vinicole concerné…

Comme d’hab’ en bistronomie urbaine, le marché dictant sa règle, n’y a aucune carte, et la démarche est inversée : en supplément de surprise gustative, les plats ne sont décrits qu’après avoir été goûtés

« pour remettre la curiosité culinaire et l’envie au centre de l’assiette, sans prétention ! ».

On devine ce qu’on peut, Maxime explique le reste après. Enrichissante expérience. Carrément drôle… voire rondement.

Aujourd’hui, c’était du jambon Bellota 64 mois, un oeuf mollet à 66° dans du vinaigre (pour tirer sur l’acidité) avec du chou à la japonaise, une fondue de poireaux, un jus de saucisse de Morteau (pour donner un côté terre). Puis du cochon dans l’échine, avec une crème de maïs, les premières asperges vertes de ce début mars, champignons Schitaké (proche du cèpe) et « petite sauce chili et miso pour le côté punchy du plat ».

Au dessert, du chocolat façon baba, gelée d’Amaretto, chantilly Martini « pour un côté aérien ». Bon la dialectique comme partout en néo-cuisine est aussi au rendez-vous.

Avec ses compositions spontanées, parfois funambules, cette table d’hôte (élue meilleur comptoir 2013 par le guide Fooding, donc en danger de hypisation urbaine) a su pour moi voguer sur la surprise, en évitant la cuisine spectacle… Il est bien, cet homme, qui rappelle à quel point ce n’est pas évident de jongler pour juguler le turn over, les apprentis à former et les charges à payer. Une évidence ? J’admire pour ma part, sans sortir les violons, les cuisiniers auto-entrepreneurs de cette espèce.

Bien sûr, bon Sang ne surait mentir : Pierre le Chef a aussi ouvert depuis sa seconde table juste  à droite, dans une petite rue perpendiculaire, rue Gambey, dans une jolie cave voûtée. C’est le PierreSang@Gambey et c’est très inspirant aussi.

Be inspired : Allez-y !

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