Un ange passe, et dérange le temps du tentant.
Daniel Darc, vision noire de nos jeunesses éperdues, transcendées pour moi au lycée par son groupe Taxigirl, chantant « Paris » en des temps que le présent réprouve, en tout cas il y a caïman prescription, n’est plus. Il avait fait son chemin de croix en blouson noir depuis, mi James Dean, mi Genet,
gêné aux
entatoures,
toujours élégant Mohican désenchantant enchantant.
Déchudandy, tombé de son charnel, arrosé au Zeus/Dionysos. Ma non troppo !
Question de génération, celle-là voulait parfois se consumer, enfin, 5% le firent…
Quelqu’un qui a 20 ans trouvera may
be que c’est un zombie du passé que ce Daniel là, ce sera normal. Nevermind the bollocks. Le Daniel Darc, homme de paradis perdu à 53 ans, disait « l’enfer est ici, j’irai au Paradis« . Faut voir, c’est quand même plus lumineux ici. Neptune.
Mec plus ultra, transcendant son mal de vivre. Peut-être posture, certainement pas imposture. Lune pleine, croissant décharné, yeux à faire fondre bien des (d)âmes. Portrait émouvant ici, entre mille autre sites. ou là, avec photo pathétique.
Jusqu’à 2013, une survie, une survivance déjà bien improbable que la sienne… Il était comme ça, Daniel, le dernier de ces Mohicans sevento-eighties là, bourgeois d’origine, cramé de l’intérieur, en rédemption par la chanson et par une certaine idée de la foi. Laquelle, je ne sais pas. Mais y en avait aussi, je crois.
Aurèle Lost Dog, qui le connaissait, cite à son sujet ce texte d’un auteur lui- même suicidé à 50 ans, avec l’apparat d’un certain esthétisme, Edouard Levé :
« La voix, les textes et la tête de Daniel Darc m’ont rendu audible le rock français. Mes plus belles conversations remontent à mon adolescence, avec un ami chez qui nous buvions des cocktails que nous concevions en mélangeant au hasard les alcools de sa mère, nous parlions jusqu’au lever du soleil dans le salon de cette grande maison qu’avait fréquentée Mallarmé, au cours de ces nuits, j’ai formulé des discours sur l’amour, la politique, Dieu et la mort dont je ne retire aucun mot, même si je les ai parfois conçus en me roulant à terre, des années plus tard, cet ami a dit à sa femme qu’il avait oublié quelque chose dans la maison au moment où ils partaient jouer au tennis, il est descendu à la cave et s’est tiré une balle dans la tête avec le fusil qu’il avait soigneusement préparé. J’ai des souvenirs de comètes aux faisceaux poudroyants. Je lis le dictionnaire. »
Edouard Levé, Autoportrait, POL, 2005.
3 morts à l’arrivée de ce texte, donc. Guère gai, mais la vie talité/talisman, feignons de le croire est gaie, sitôt les fleurs de cerisiers, si photogéniques, retrouvées. Mais loin des catalogues d’images d’Epinal de la publicité. Vie. Tant qu’on est pas alité, oblitéré,
le couché faisant foi.
La vie faisant office de résilience gaie et d’instants jouis, progression algorythmique des bons souvenirs, leur rapport inversement proportionnel aux mauvais, évacués, aux désirs qu’on a pas/plus, à tout ce qui fut enfoui en mémoire, à toutes les réminiscences évanescentes déformées par la mémoire/continent/trou noir.
La traque de la matière noire intérieure.
La résilience par la chanson à ses limites que la raison ne connaît pas. Assez parlé, laissons-le chanter wherever he feels to be.
Chercher du regard le colimaçon juvénile égaré dans l’escalier du temps, chasser les hérissons, garder l’ illusion et la lumière printanière…
Mais c’est déjà – en corps – beau coup.
Encore un matin…
On a ce me semble le chamanisme que la société, la formation historique qui est la votre, vous autorise.
Pour en finir avec l’infini
(en une volonté de conclusion par essence imbécile)
voici un hommage sortant agréablement des sentiers (a)battus, je trouve, par un critique musical qui le connaissait bien :
http://soundcloud.com/franceinter/encore-un-matin-hommage-daniel
et une double une de Libé, avec deux unes consécutives, un jeudi et un vendredi, consacrées à deux disparus diversement reconnus : Stéphane Hessel, 95 ans, résistant de la première et de la dernière heure. Daniel Darc, résistant d’une époque où les résistances se firent toutes autres qu’en temps de guerre.
- coup sur coup, jeudi, ven. Daniel Darc et Stéphane Hessel, un autre genre de post-résistant indigné… La muerte vous a de ces analogies en Une, sans respect du lendemain aucun…
Où l’ennemi, en l’occurrence l’Allemand nazi, était facilement identifiable. Beaucoup plus qu’au Mali, par exemple, où l’on déclenche une guerre au nom de la lutte contre un islamisme intégriste qui, de toute façon, devra connaître (certes à nos dépens) ses heures de règne au XXI siècle pour s’autoéliminer, pour être extirpé par les populations concernées, qui généreront leurs résistances au bout d’un temps. Un affreux règne.
Mais à quel point plus affreux que 100 ans d’américanité implacablement triomphante ? Et 70 de CIA, post WW2, ayant nourri et formé en son sein ses propres anticorps futurs, par exemple ceux du rénégat Ben Laden, autre âme damnée de l’ époque qui chercha à sa façon aussi à se rebeller (contre sa famille saoudienne et les Américains (qui l’avaient soutenu par alliance paradoxale d’un temps) ?
Mfff ! tout cela est plus complexe que les réponses données.