4 pages de promenade nocturne par pleine lune, sans étoile, en passant par deux maisons doublement étoilées (La Bouitte & Le Chabichou) et leurs chefs sagement transmettant de père en fils, bel idéal.
Du chic à en revendre aussi, de l’arrivée en hélico (pas moi), moins de clinquant dans cette belle station qu’avant, m’assure t’on. Courchevel, c’est notre Aspen à nous.
Courchevel deux étoiles, par ici !
- Itinéraire : de Saint-Martin de Belleville jusqu’à Courchevel (un papillon de nuit effleurant parfois ma paupière), de la Bouitte au Chabichou.
L’hiver, d’éternelles montagnes cristallisent à fond de cale les randonnées de l’été précédent; Et vice versa.
Puisque c’est la neige, que de doux flocons fassent fondre nos rêves, pupilles et papilles en ciel comme en assiettes… Mon article-marathon maison est ici :
Pour faire bon poids, j’ai mangé la bonne soupe d’arrivée en altitude du Dynamicx MoonTrail auquel j’ai fait semblant de participer (effectuant le dernier tiers de l’épreuve de 11 kilomètres, à la louche):
Et voici un texte aussi plein que la pleine lune servant de fil conducteur à ce trail :
Courchevel la belle fait partie du plus grand domaine skiable au monde, celui des 3 Vallées, pures merveilles de glisse. Il y a aussi un golf 9 trous tout a fait recommandable,
notamment en raison de gros rochers à contourner.
Qu’on se le dise, si Courchevel est toujours aussi chic (exposition hivernale « L’art au fil des Sommets » et « Mademoiselle C », nouvelle statue emblème à la Croisette), les étalages de signes extérieurs de récente richesse sont à la baisse.
« D’ailleurs, les clients connus, les habitués en particulier, paient pour la discrétion et empruntent des portes dérobées quand il le faut » plaide l’office du tourisme, pour qui le virage sportif de la station est effectif depuis la Coupe du monde de descente féminine en 2010, un beau succès (comme le slalom géant qui suit plus tard en décembre).
Autre symptôme sportif, les coureurs en montagne avaient 5 rendez-vous de pleine lune (jusqu’au 2 octobre) pour une course en nocturne originale, la « Dynafit MOONtain Race de Courchevel ». Départ 20h30 à Courchevel 1650.
Lors de celle du 3 juillet, la presque pleine lune, après s’être laissée désirer, éclairera après l’arrivée, tandis qu’on réchauffait autour d’un brasero et d’une énorme marmite de soupe la centaine de participants, dont votre modeste serviteur : le coureur le plus nul de sa génération.
Qu’est-ce qui l’éprouva tant ? 9 kilomètres de course à pied (rebaptisée trail), 900 mètres de dénivelé négatif, jusqu’à un refuge à 2280 m au bord du Parc national de la Vanoise, celui du Grand Plan. Une belle itinérance.
On commence par une descente caillouteuse, suivie de quelques faux plats, deux plateaux se succédant sur 6 kilomètres. Puis sur d’assez raides pâturages apparaît une constellation de vaches rousses marquant le début de l’ascension finale : 3 kilomètres durant lesquels l’auteur de ces lignes faiblira.
Ce ne fut pas le cas de Sébastien, le coach sportif de l’hôtel Chabichou, un chalet blanc très chou (et quatre étoiles) depuis 1962. Durant une marche nordique faite avec lui, il avait estimé qu’il pourrait faire un temps de 55 minutes. Et y parvint, le majorant d’une seconde. Le numéro 1 boucla l’affaire en 50 minutes, la première dame en 65 et quelques septuagénaires dynamiques qu’on raccompagna,en 90. Même pas mal !
Une autre compétition au sommet
Celle des deux chefs de Maisons savoyardes prodigieuses au sein des 3 Vallées.
Deux établissements de coeur doublement étoilés au Michelin, qui ont une âme, investissent en propre et tissent leur doux cocon restaurateurs et hôteliers, éminemment hospitaliers, dans d’odorants chalets en sapin, avec à table de savoureux pains maison.
À ma gauche, dans la vallée des Belleville, la Bouitte (« petite maison » en patois savoyard), à Saint Martin, tenu par René Meilleur et son fils Maxime.
À ma droite, dans celle de Courchevel, passée celle des Menuires, le Chabichou, crée en 1954 par Michel Rochedy.
Il serait vain de les départager à l’arrivée. D’autant plus que ces deux chefs depuis belle lurette sont des amis émérites, des duos père et fils d’une remarquable efficacité fusionelle.
Comme me le précise René Meilleur, fondateur de la Bouitte en 1976, doté d’un second macaron Michelin en 2008, puis d’un troisième en 2016, longtemps convoité et bien mérité. S’il a en partie passé les rênes à son fils Maxime, il n’est pas près de passer la main. D’autant moins qu’ils sont comme deux doigts de la même.
En ce premier juillet, la Bouitte vient de rouvrir. Un couple d’habitués discrets venus de Grenoble a ouvert le bal. Madame a accepté de manger du lapin et des rognons, qu’elle n’aimait pas jusqu’alors, et les apprécie. Maxime et René disent que l’expérience de leur table, c’est précisément ça : délaisser les préjugés.
Maxime m’emmène en promenade de découverte fleurie le long du Doron, rivière de la vallée des Belleville, l’une des somptueuses « 3 Vallées ». En ce début juillet bis et criquets rissolant dans les pâturages , le Doron coule à larges flots gris calcaire.
Deux escargots de Bourgogne caracolent au bord sur la roche. Maxime, qui a testé la veille en cuisine les nouveaux plats de sa carte d’été, explique comment d’hardis mariages fleuris voient le jour, par exemple avec la Reine des prés, humble fleur blanche de bord de chemin, on passe à côté d’elle sans la voir, à l’arôme de lait d’amandes subtil qu’on goûte au dessert.
Les Meilleur l’utilisent en infusion pour le crémeux d’une tarte à l’abricot. Maxime : « Je l’utilise une fois dans un repas, mais pas deux. À Paris, je suis allé dans une grande table où l’on m’a servi de l’asperge à quatre reprises, c’est trop… ». Comme l’émulsion et autre espuma « dont certains abusent encore, oui », aquiesce René, par moi sollicité.
Par contre, leur mise en bouche d’huitre marinée au yuzu (agrume asiatique tendance, goût entre cédrat, pamplemousse et mandarine) est probante. Une fin de bouche iodée vous accompagne longtemps.
En particulier, avec Ultra D, un champagne extra brut de la maison Devaux. Qui nous avait initié l’hiver dernier à d’inénarrables dégustations d’altitude à 11h, à 2800 et 2400 mètres : la bulle gonfle en raison de l’altitude : le palais se rebiffe, puis approuve.
Devaux, situé dans l’Aube, en Cote des Barr, nous proposa surtout à la Bouitte un repas tout champagne raffiné et innovant. Bilan : l’une des 1001 expériences à faire dans une vie, sans conteste.
Suivent à la Bouitte zestes d’orange dans un lait de foie gras et bébé carotte à l’épicéa. Puis queue de homard bleu et son corail, concombre de mer, nimbés d’huile de verveine. René Meilleur montre sa récente table d’hôte en cuisine, toute de bois vêtue, en avancée sur un balcon.
Ce chevalier de la table de sapin, vers laquelle les hélicoptères atterrissent l’hiver pour de bons repas, a aussi conçu dans son charmant petit spa une cabine de foin. C’est-à-dire un bain de vapeur. Allongé sur un lit à rideaux rouges garni de foin « coupé la veille à 1400 m au moins ». Fermons les yeux, on pourrait être un faune sylvestre.
Après ça, un bon massage californien aux huiles avec des attaques en shiatsu vous remet d’aplomb après la belle randonnée à 2250 m sur les Balcons : 7 kilomètres, des Menuires jusqu’à Saint-Marcel, à travers prés et fleurs qu’on apprend à connaître. Retour dans ma chambre. Tiens, un lézard dans mon escalier…
Une coccinelle sur mon oreiller, c’est encore l’été… Un papillon de nuit m’aura aussi frôlé la paupière à table, autre sensation inédite qui retient l’été…
Un Chabichou si chou
Glissons en compagnie des épicuriens vers le Chabichou :
ce chalet de neuf chambres, racheté en 1962 par Michel Rochedy et son épouse, a été bichonné au fil du temps en deux chalets blancs de 41 chambres. Côté restaurant,
Michel Rochedy, qui vient de l’Ardèche, obtient sa première étoile au guide Michelin en 1979, la seconde en 1984.
Depuis 1988, il est accompagné en cuisine parStéphane Buron, Meilleur ouvrier de France 2004, une sorte de fils spirituel. En plus de Nicolas, revenu au pays, devenu guide de haute montagne, qui fait visiter le jardin de 600 m2 devant la piste bleue du Chabichou, nous présente à une fleur de Genépi, si forte en odeur quand on la frotte. Montre l’hysope, une rareté qu’on dégustera en gelée dans le pré-dessert.
En 2011 est venu s’y ajouter un spa de 1100 m2. Cet espace sensoriel (comme on disait en ces années manquant parfois de sens) compte, outre l’armement conventionnel (bassin multitonique, canal de marche, soins signatures du Chabichou très recommandables) quelques drôleries atypiques :
une fontaine de glace tombant en cristaux pour se baptiser le corps en sortant du sauna Banya à la russe (80° contre 75°, pouvant monter jusqu’à 100° pour les plus intrépides. Une cabine de douche avec touches à thème (parfums, sons et lumières) allant de l’océan à la brume froide.
Ne manquez pas « la tempête » : ça clignote rouge vert, un chaud-froid de tonnerre grondant vous douche tropicalement. Tous les clients sondés plébiscitent cette option ! Il y a aussi une grotte de sel « pour inhaler en 20 minutes l’équivalent d’une journée à la mer. ». J’oubliais le bon vieux seau d’eau attaché au plafond, qui remet les idées en place, et une branche de bouleau pour se flageller. Mais seuls les Pays de l’Est apprécient.
Le chef Michel Rochedy, qui fêta en décembre 2012 les 50 ans du Chabichou (et la première année de son bistrot le Chat botté, qui marche du tonnerre) cuisine en duo depuis vingt-cinq ans avec Stéphane Buron, Meilleur ouvrier de France 2004, son fils spirituel en cuisine.
Exemple, l’omble chevalier du lac Léman, en tartare aux langues d’un caviar osciètre solognot. Stéphane Buron, tout en nous montrant sa tablée d’hôte en cuisine (oui, Chabichou et Bouitte en sont dotées, tout comme d’une vue sur cave à vins en transparence depuis le plancher à l’entrée de leur table gastronomique) raconte qu’il se fournit en caviar auprès d’une adresse parisienne secrète : un hangar sans enseigne, par sécurité totalement banalisé, que lui a donnée le chef cuisinier de l’Elysée.
Suivent une barre de foie gras aux topinambours, un pigeon de Bresse rôti au jus de grenade, joli navet braisé au safran.Résultat des courses : un même engouement pour la Bouitte et le Chabichou, nos deux chefs de 3 mirifiques vallées. Une cuisine inventive ancrée dans un terroir auquel ils sont attachés. commplexe mais débarrassée de tout artifice inutile. Comme Courchevel ? On verra bien…
La Bouitte en chalet d’hiver.
Un petit golf d’été à Courchecel nous ferait le plus grand bien, strié de nuages…
Ma composition en terrasse du Chabichou, dégagée des obligations générationnelles de la barbe… sans papa.
La base est un amuse-bouche servi à table…
Renseignements
www.courchevel.com
www.la-bouitte.com
www.chabichou-courchevel.com
www.champagne-devaux.com
Photos
© La Bouitte, le Chabichou,
OT Courchevel