Suivez de captivants méandres communs entre le récent film portugais « Tabou » de Miguel Gomes ( à voir en janvier avant que son cours ne se tarisse) , et « Le fleuve » , seule incursion indienne de Jean Renoir, le long du Bengale.
- Toile de fond un peu coloniale dans les deux films, mais les voiles de fond sont si mémorielles/ belles que… tant pis tant mieux !
Imagerie à la Holly wood délibérement ratée, donc réussie, forêt fleuve sacrés
Dans Tabou, du nom d’un mont mozambicain, il est question d’amours coloniales mortes, de la fin de vie de l’héroïne, assez proche en substance des trajectoires brisées de ma propre mère franco-portugaise (sur lesquelles je reviendrai someday), et d’un saurien : « Le crocodile, c’est le cinéma : de la mémoire, des gens qui passent, des histoires d’amour et des empires qui commencent et finissent. » précise le réalisateur portugais.
- Le Crocodile dandy du fil mémoriel tissé par Miguel Gomes est un semi-conducteur émérite des polarités d’un pseudo-hasard…
« Le diptyque de Tabou est extrêmement sexué : à une première partie quasi-exclusivement féminine répond une seconde partie beaucoup plus virile. D’ailleurs, si la jeune Aurora affole tant l’aréopage de mâles alentours, c’est entre autres du fait de son hyper-masculinité, elle qui ignore superbement, entre deux parties de chasse ou de jambes en l’air, sa grossesse.
Pareillement, dans Le Fleuve, l’harmonie du gynécée est contrariée par l’arrivée de Captain John, qui bouleverse les palpitants. Drôle de Jules que celui-là : il lui manque une jambe, perdue au front. En quelques plans cruels, Renoir, qui souffrait lui-même d’infirmité, souligne la honte que procure cette amputation chez sa victime – absence d’autant plus douloureuse qu’elle touche à un symbole flagrant de virilité. »
« Une lecture
plus politique verra dans ce
corps disloqué l’annonce de la partition, déjà à l’œuvre au début des années 1950, de l’empire colonial britannique. A soixante ans de distance, Miguel Gomes porte un regard voisin sur la maternité d’Aurora : » Son ventre est comme une bombe à retardement, qui finira par exploser, dit-il à Cyril Neyrat. C’est aussi la situation du pays, de la colonie : ce monde, cette société n’en ont plus pour longtemps. » Corps amoindri, corps augmenté. On touche là au cœur de la parenté entre les deux films : tous deux enregistrent la fin d’un monde, sans pour autant occulter la vie qui, malgré cet arrachement, continue à fleurir, à jaillir. »
Jaillir, faillir, la vie le fait si bien
qu’il serait vain
d’en contrarier les cours
pour tumultueux qu’ils soient
ça continue, ça va.
Miguel Gomes : « Le Fleuve se termine sur cette phrase : »The day ends, the end begins« , »le jour finit, la fin commence », nous glisse-t-il à notre tour. C’est peut être pour cela que de tous les films Le Fleuve est le plus beau pour moi, le plus émouvant. Renoir montre la fin des choses, mais avec une tendresse infinie. C’est la fin de l’innocence, mais ce n’est pas grave, il y a la rivière, ça continue, ça va.
aillir, faillir, la vie le fait si bien
qu’il serait vain
d’en contrarier les cours
pour tumultueux qu’ils soient
ça continue, ça va.
en combien de feux, de nuées ardentes
de cendres retombées, de Krafft refroidis par leur passion, au Japon?
sacrifiés en ardents brasiers , baisers
La aussi, imagerie d’Holly wood ratée,donc réussie
forêt sacrée
Maurice et Katia Krafft, on finira aussi par faire un beau film au long cours sur ces deux -là ?