Le lien le plus fort que j’ai à l’Allemagne de feu mon père est peut-être le colis annuel de Marzipan (pâte d’amande enrobée de chocolat, fabriquée à Lübeck, dans le nord) que m’envoie ma tante Toni, soeur aînée dudit père, Achim.
Une fois de plus surgissant des profondeurs postales aux walentoyrs du 20 décembre le colis « annoël » de Marzipan de Lübeck (Lübecker Marzipan) de ma tante Toni, lien bien-aimé vers mon ambivalente Allemagne :
Lequel s’abima, le père, pas la pâte d’amande ni le colis, tel un navire, à bord de sa Renault 16 dans le canal de Bourgogne, du côté de Montbard, par une froide nuit de mars.
Hydrocution garantie, le paternel ayant négligé d’attacher sa ceinture après un lever aux aurores. Un jour après que Claude François, chanteur français, se soit fiévreusement électrocuté dans sa baignoire dans des circonstances sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici. Du coup, l’immersion de la Renault 16 condute par un avocat allemand, qui fut ensuite incinéré au Père Lachaise avant d’être rapatrié vers le caveau familial prussien, passa plutôt inaperçue.
L’auteur de mes jours, pas le chanteur d’Alexandrie Alexandra dans des draps, convoyait ladite Renault 16 vers le Portugal afin de l’y vendre pour d’obscures raisons, et ce en compagnie d’un co-passager recruté par annonce. Le covoituré échappa à la noyade, lui l’ayant opportunément bouclé, la ceinture. J’avais 13 ans, le frère de mon père vivant à Milan me l’annonça par téléphone. Le décés, pas la ceinture bouclée du covoituré.
Comme la Renault 16 appartenait à une femme qui cotoya mon père dans des circonstances sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, celle-ci déposa après coup plainte auprès d’ Interpol, de sorte que mon père se trouva recherché post-mortem, ce qui n’est pas sans saveur ni humidité, eu égard à la température frisson de l’eau ce matin-là.
Et comme le chanteur susnommé amateur d’ampoules à fricoter trépassa en même temps, ou peu s’en faut, le souvenir de mon père se trouva à jamais associé à l’anniversaire annuel organisé par ses fans et les chapelles médiatiques aux brasiers pesants, de moins en moins nombreux ces derniers temps, absence de dieu merci ! Enfin les fans, pas les médias.
- Le lien qu’on tisse, les ficelles qu’on déballe, les attaches familiales, les familles d’idéal, les souvenirs en partie reconstitués d’un lointain cristal, ce nom de Riedel qui vous lie au XVIII siècle à un lointain cousin de Bohème, fondateur des cristalleries Riedel, spécialiste des verres à vin. Ce qui somme toute vous va bien. Au dessus, deux tableaux de la fin de vie de Georges Braque de sa série A Tire d’ailes, que j’aime le plus. ils me rappellent en force d’abstraction nette ceux de la fin de vie de Matisse, des oiseaux aussi, et toute la série Jazz bien sûr…
Mais le colis est là, qui témoigne annuellement de l’amour bien présent et de la bonté d’âme d’une tante bien-aimée, ainsi que de celle de sa fille Marion, dont les 3 filles sont cousines des deux miennes. De sorte que, nous nous efforçons humblement, elles, le marzipan et moi, de retisser pour l’avenir ce lien ténu comme les ficelles des paquets cadeaux qu’on déballe en fin d’année. Tant que Toni marzipan enverra, ce lien avec une Allemagne aimée et ennuyeuse à la fois en moi vivace demeurera. Qui contrebalance aussi Claude François, pour incongru que ce soit. La mémoire est ainsi.
Le marzipan chante ici, dans un anglais à couper au couteau, dont les miettes chocolotées râpent dans ma gorge avant d’y fondre. Comme lui, jadis, dans un obscur canal du côté de Montbard, où le tgv ne passait pas encore.
Mais fin décembre, le colis arrive, porteur de riches promesses d’avenir, d’yeux en amande émerveillés et d’abus constipants et confiscatoires en diable !
Etait-il besoin de le préciser : c’est au nom du père qu’on en mange avec une sorte de délectation accrue. Et qu’on la finit seule vers le mois de mars après que les enfants soient soient vite lassés, lui préférant des friandises agro-alimentaires plus formatées au goût d’aujourd’hui…
PS : En jargon de correction automatique incontrôlable de mots sur clavier, mon message de remerciements par mobile à ma tante donna cela, dont je ne suis pas que piteux :
« Es freut mich immergé soit dein päckchen zu bekommen, liège Toni ! Wir fahren weg morgen fruh,dafur schon geoffnet !
Francfort an allen.
Christ und familie »
Source : Exposition Georges Braque, `grand Palais, décembre 2013, aux environs du 20…
J’ai moi aussi toujours préféré le Marzipan aux madeleines. Ce texte et les souvenirs y afférant, en résonance avec d’autres épisodes, m’a beaucoup émue.
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saviez-vous que « après que » exige l’indicatif et non le subjonctif? Vous m’en voyez d’autant plus désolée de la concomitance de la date de la mort de votre père avec celle du chanteur pour jeunes filles. Méritait-il de surcroît un tell barbarisme? Et lui l’ayant bouclé, se référant à une ceinture, devient bouclée. Non je ne disais pas cela pour vous…. ennemi de vie, ami de plume.
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